356] " Un froid polaire souffle sur la banquise " ...

" Le Monde " du 22 août 2007 par Jean-Michel Normand 

Stéphane Bern n'a pas froid aux yeux

Cet été, sur France 2, Stéphane Bern se donne beaucoup de mal pour enrichir notre culture générale. Avec sa mine ravie à la Charles Trenet, il nous a fait voyager en proposant "Un autre monde", une émission pétrie de lieux communs distillés avec gourmandise. De l'Inde, "éternelle et mystérieuse", à l'Italie, "qui est avant tout le pays de la dolce vita". Il s'est également mis en tête de nous divertir par l'entremise d'une émission quotidienne de cinquante minutes au titre énigmatique : "Pourquoi les manchots n'ont-ils pas froid aux pieds ?" On vous explique le principe : sieur Bern reçoit une brochette d'invités (de joyeux drilles en partie recrutés parmi les serviteurs de la chaîne) qui devront répondre à des questions cocasses mais néanmoins instructives. Au programme : curiosités de la nature et piquantes anecdotes historiques. En pratique, la chose est un tantinet longue à démarrer, puisque les invités doivent, avant d'y répondre, deviner au préalable la question qui leur est posée. Lundi, "Pourquoi les manchots n'ont-ils pas froid aux pieds ?" inaugurait un nouvel horaire de diffusion. L'émission démarrait à 18 h 10, soit une heure plus tôt que les semaines précédentes. Un réaménagement imputable à des performances quelque peu décevantes en termes d'audience.

Sorte de banquise cheap en carton-pâte, le décor de ce divertissement a pourtant dû coûter une fortune. Quant aux invités, faute de disposer du sens de la répartie indispensable à ce genre d'exercice, ils optent soit pour le n'importe quoi (Danièle Evenou sortant tout ce qui lui passait par la tête), soit pour l'étalage affecté de leurs connaissances, un exercice dans lequel Nelson Montfort ne se connaît aucun rival. Entre deux salves d'applaudissements mécaniques du public, tout ce petit monde joue des coudes et se coupe la parole pour placer un bon mot. Le plus souvent, la problématique des énigmes soumises à la sagacité des "personnalités" conviées à honorer de leur présence ce grand moment d'humour et d'érudition est d'ordre zoologique et d'inspiration volontiers égrillarde. Stéphane Bern s'efforce tant bien que mal de faire du Stéphane Bern ("Je ne voudrais pas être cuistre...", lance-t-il avant de poliment contredire un participant), mais sans parvenir à sauver de la vulgarité cette émission de vulgarisation. Lundi, un "grand spécialiste des animaux" est venu longuement disserter sur la spécificité digestive des harengs, qui sont, paraît-il, les seuls poissons à "péter sous l'eau", expliquer que le homard de sexe mâle "fait pipi avec ses yeux pour attirer les femelles" et détailler les moeurs insolites de certains coquillages transsexuels. Stéphane Bern, l'animateur du service public qui n'a pas froid aux yeux.