Ce petit coin de Grenelle

Publié le 11 février 2009 par H16

Les semaines s'écoulent, de moins en moins paisibles, et les principaux membres du gouvernement commencent à suer alors que les tensions s'exacerbent. Pendant ce temps, les secrétaires d'états tentent d'occuper l'espace médiatique à grands renforts de propositions. Et actuellement, la tendance à la mode, le mouvement hype et fashion de tout politique qui se respecte, ce n'est plus d'aller grignoter à la Coupole ou se montrer au Fouquet's, mais bien d'aller s'engreneller avec les forces vives de la nation.

On se rappelle sans mal le Grenelle de l'Environnement qui aura donné l'occasion à Jean-Louis Borloo, le ministre des Espaces Verts, de l'Huile de Coude, de la Récup et de l'Occupation de Sols, de tester lors de nombreuses rencontres multipartites toutes les options de son nouveau bar à whiskys. Le résultat de ces réunions fut, comme on peut s'en douter, directement en relation avec le fonctionnement quasi-continu de ce noble mobilier.

Depuis, le ministre au titre à rallonge s'empresse de faire vivre la légende (Keep on walking) alors que la France s'apprête à vivre l'une des pires crises de son histoire : il y aura du sang et des larmes dans des chaumières chauffées à l'électricité éolienne, pendant qu'on pleurera les pertes d'emplois, mais au moins ce sera dans des espaces verts aux quatre coins desquels on pourra trouver des poubelles hideuses thermo-moulées de recyclage pour déchets triés.

La vraie force du Grenelle de l'Environnement, c'est ça, finalement : savoir se détacher des contingences bassement matérielles de la plèbe bêtement polluante, pour attaquer vaillamment le champ des possibles utopies d'un monde qui pédale pour s'éclairer. Tout n'est, finalement, qu'une question de dosage et d'arrosage. Moyennant le bon liquide dans la bonne quantité, n'importe quelle fadaise peut passer.

Et c'est probablement par un toast pétillant que notre Jean-Louis aura fêté son Grenelle de l'environnement, en rigolant probablement comme un bossu à l'évocation humoristique d'un 23% d'énergies renouvelables en France en 2020, date à laquelle, cirrhose ou pas, il ne sera de toute façon plus en charge de toute cette usine à gaz garantie sans CO2.

La mode est aux femmes ce qu'une courbe féminine est aux hommes, à savoir un aimant surpuissant qui dirige d'une poigne de fer leur système limbique et moteur. Et s'il fallait faire quelque chose à la suite de ce succès pétillant, il fallait qu'il porte à nouveau la griffe de la mode, la marque d'un design supérieur, comme le nom d'un créateur de grand talent. Ce serait donc un Nouveau Grenelle.

La femme qui craqua fut Nathalie Kosciusko-Morizet. (Vous ne m'en voudrez pas, j'abrègerai en NKM : ces initiales, en plus d'évoquer un groupe de rap aux sourdes vibrations pulsant le rythme des banlieues chaudes de Neuilly, sont finalement bien plus pratiques à manipuler que ce nom à rallonge à dose quasi-létale de NKSZ.)


Ceci n'est pas NKM

NKM n'en est pas à son coup d'essai. On se rappellera tristement ses précédentes exactions qui visaient essentiellement à empêcher les gens de s'arranger entre eux pour rechercher un prix d'équilibre sur une prestation donnée. Depuis, la sémillante emmerdeuse a pris du grade : elle a gagné un joli poste de secrétariat. Manque de pot pour nous : elle ne se contente pas d'y faire la sténo.

Et la voilà partie en lutte contre ... les antennes de GSM.

C'est logique, en quelque sorte : de la même façon que dans ses précédentes agitations médiatiques, elle avait visé le maximum d'effet publicitaire, elle renouvelle le même chemin en choisissant, sabre de bois dégainé et porté haut, de s'occuper d'un faux problème de la façon la plus visible possible, de n'y apporter aucune solution en le faisant savoir et, une fois la poussière de ses gesticulations à peine retombée, repartir à l'assaut d'une nouvelle lubie sur son petit cheval de bois en criant "Géronimo".

On pourrait argüer qu'en marge de son petit Grenelle tout à elle, elle va pouvoir en profiter, tout de même, pour faire avancer d'épineux dossiers qui touchent de près son "coeur de secrétariat", par exemple celui de la fibre optique. Que nenni : soit elle ne connaît pas des masses le domaine (et s'en fiche ?), soit elle trouvera un autre moment, plus tard, à la saison des fraises, peut-être, pour évoquer le problème.

Or donc, NKM propose de renforcer les moyens et l'indépendance de la Fondation Santé et Radiofréquences, d'étudier les niveaux d'émissions jugés acceptables et de réfléchir à l'évolution des procédures et à l'instauration d'un périmètre de sécurité autour des antennes.

On reste ébahi par tant de candeur. Car, derrière la tirade précédente, on se perd en conjectures sur ce qui nous attend, concrètement.

Il serait en effet foutrement extraordinaire que la Fondation Santé et Radiofréquences décrète, après ce Grenelle des Antennes (on dirait le titre d'une poésie champêtre, tiens), que les normes actuelles sont les bonnes, que les niveaux d'émissions sont actuellement acceptables et que les périmètres de sécurité autour des antennes sont bien suffisants. On peut d'ores et déjà parier sur l'issue de ces pince-fesses officiels :

  • il faudra renforcer les normes de sécurité
  • il faudra augmenter les moyens de la Fondation (des sous ! des sous !)
  • il faudra baisser les niveaux acceptables d'émission
  • il faudra un périmètre de sécurité plus grand autour des antennes

Dans les autres résultats, on peut aussi imaginer un quota d'antennes par zone habitables (avec numerus clausus, comme pour les toubibs, hein), une hauteur maximum des appareils, et, pourquoi pas, une couleur préconisée (dans une palette Pantone(r) bien définie, faut pas déconner).

Quelques remarques se bousculent alors au portillon du bon sens. En effet, si on réduit la puissance des antennes, cela veut dire qu'à puissance équivalente des téléphones (l'autre morceau du réseau GSM), on captera moins bien et qu'il faudra soit supporter des communications de crotte, soit avoir plus d'antennes. Déjà, l'option Communications Demaerd semble plus que probable. Parions sur un avenir flamboyant des opérateurs Bouyfrgkrkktkriic, Sffrffrrffchtrchhhhh et Orangchfrttftcrouic.


Ceci n'est pas Agnès Jaoui

Et si on raisonne à puissance non constante, on compensera donc une grande antenne qui émet moins fort, localisée et dont la puissance diminue selon le carré de la distance à celle-ci (distance qui augmente vite), par une plus grande puissance des téléphones dont la distance oreille-antenne risque fort, elle, de rester constante, sauf à vouloir considérer une nouvelle mode consistant à hurler sur son téléphone porté à bout de bras.

En outre, on peut se demander pourquoi tourner encore une fois autour du pot pour simplement constater que, décidément non, les téléphones portables n'ont pas d'incidence sur les utilisateurs ? En effet, des études sont régulièrement menées, des résultats épidémiologiques sont constamment compilés, et force est de constater que, par exemple, le taux de leucémie chez les enfants (4 pour 100.000) à l'année est le même partout en Europe et aux US, apparemment en totale indépendance de l'utilisation de l'électricité ou pas (et vu l'échantillon de population concernée, i.e. 900 millions de personnes, on peut dire que l'intervalle de confiance est bon). Si on ajoute que ces chiffres épidémiologiques n'ont pas varié alors que sur les 15 dernières années, la quantité de radio-émetteurs a plus que doublé, et que l'usage de l'électricité a augmenté dans un facteur 20 sur la dernière période de 50 ans, on peut raisonnablement en conclure, n'en déplaise aux alarmistes, que ... les effets des portables sur la santé peuvent être jugés nuls : les hamburgers ou les frites ont plus d'impact sur la santé que les téléphones portables.

Mais là encore, il ne s'agit pas pour NKM de parler science, faits et études. Il s'agit de parler politique, intervention, principe de précaution, médiatisation et petits-fours arrosés d'alcools pétillants. Les petits-fours attirent les journalistes, qui s'empresseront de relayer les palpitantes aventures de NKM à l'assaut des moulins modernes que sont devenues les antennes-GSM, et feront de toutes ces péripéties coûteuses un vibrant hommage à l'action politique baveuse.

Et actuellement, de l'action politique baveuse, on en avait bien besoin : ça va nous aider, toutes ces fumisteries, pour nous éviter une récession carabinée.

Finalement, Jean-Louis B. et son bar bien garni ont peut-être raison : Keep on walking.