En guise d'introduction à ce compte rendu clermontois de l'édition 2009, je vous invite à lire l'éditorial de Jean-Claude Saurel, Président de Sauve qui peut le court métrage, l'association organisatrice. J'ai lu (et même écrit pour les Rencontres) nombre d'éditoriaux, exercice incontournable du non moins incontournable catalogue. Celui-ci est assez direct et traduit bien l'ambiance actuelle, du moins coté français, une ambiance que l'on retrouvait par ailleurs sur le marché, morose et un peu tendu.
« Faites payer les pauvres, ils n’ont pas beaucoup d’argent mais ils sont nombreux »
Il semble que cet adage attribué à Joseph Caillaux (1863 – 1944) soit en train de s’installer progressivement dans de nombreux domaines. Exemple : prenez un système de protection sociale encore relativement efficace, fruit de nombreuses luttes s’inscrivant dans la durée, et non comme on l’entend souvent, résultat d’une quelconque providence étatique. Mettez ce système en crise en multipliant les exonérations pour des groupes qui auraient largement les moyens de payer, en organisant le glissement progressif de la répartition des créations de richesse, du travail vers la rente boursière, en développant le culte de la réussite individualiste et de la débrouillardise sans scrupules, du tout le monde contre tout le monde, bref d’une société où il vaut mieux être riche et bien portant que… vous connaissez la suite. Le problème, et il est de taille, c’est qu’au bout de quelques années, ça coince, et même ça coince sérieux. Il faut trouver de l’argent et donc, selon la formule du début de paragraphe, aller taper des proies faciles et isolées, en l’occurrence dans le cas qui nous intéresse : une association. Qu’en est-il ?
(la suite sur le site du festival)
L'un de mes objectifs cette année, tenu in-extremis, était de vérifier que Love you more de Sam Taylor-Wood, découvert à Cannes avec enthousiasme, tenait la seconde vision. Il la tient. La première étreinte de Georgia et Peter sur un air des Buzzcocks en juillet 1978 n'a rien perdu de son éclat. Andrea Riseborough est toujours aussi sensuelle et ses yeux bleu profond sont filmés avec un grain qui me fait défaillir. Drôle et rock, le film capte subtilement l'air d'une époque comme le bouleversement universel de la première fois. J'étais ravi de retrouver ce plan magnifique sur les poils du bras de Georgia qui se hérissent de désir ou les micro ellipses dans le montage qui donnent au film sa vivacité tout en collant à l'esprit de la musique. Et puis ces répliques qui ont pour moi quelque chose de hawksien : « Je croyais que je ne te plaisais pas / Tu ne me plais pas » ou « On a pas encore écouté la face B ». J'ai découvert que le film avait son propre site, avec un joli extrait.
Il m'est difficile de livrer des généralités puisque je suis loin d'avoir vu l'ensemble des programmes proposés, rien qu'en compétition, il y en a 31 (National, international et labo). Mais après un ou deux jours de projections, il a quelques tendances qui se dégagent et je peux diviser les films vus en quatre catégories :
Les films exceptionnels, ceux que l'on recommande à tous ceux que l'on croise et dont je suis sûr de me rappeler encore dans 10 ans. Rares par définition.
Les films propres sur eux. Je sais que ça sonne un peu péjoratif et que c'est un cliché pour parler du court-métrage français. Mais ces films sont assez nombreux. Il sont bien écrits, sans doute trop. La photographie est soignée. Ils sont bien joués, parfois par des pointures comme Jane Birkin dans Bunker de Manuel Schapira ou Serge Riaboukine dans La copie de Coralie de Nicolas Engel. Ils ont des sujets graves, traités avec un peu de gravité. Ils se regardent souvent avec plaisir mais ne surprennent que rarement. Leur résolution laisse un goût de trop peu. Trop peu de risque pris, trop peu de générosité, trop peu de folie, trop peu de foi en ce que peut le cinéma, comme disait l'autre.
« Ceux qui ont essayé » comme chantait Brel. Ce sont des films plutôt ratés, sinon ils passeraient dans la première catégorie, mais qui ont le mérite de tenter des choses et de revendiquer un partit-pris fort. Avec le recul ce sont des films que l'on a envie de défendre pour leurs qualités en laissant de côté ce qui est moins abouti. Ce sont des films qui marquent plus, qui intéressent plus que ceux de la catégorie précédente même s'ils sont parfois plus difficiles (littéralement) à voir. Des films pas forcément aimables mais qui donnent envie de suivre leurs auteurs.
Les films insignifiants, déjà oubliés, peu nombreux dans ce que j'ai vu cette année.
Je rentre dans le détail dès la note de demain. Je vais essayer de vous donner un maximum de noms et de titres. Les courts-métrages, souvent mal diffusés, ne sont pas toujours évidents à voir, mais si vous tombez sur l'un ou l'autre, allez-y voir, comme dit Breccio.