Malgré la crise, Moscou finance des fonds d'investissement, octroie des crédits et continue d'organiser le renforcement de la puissance militaire du territoire ex-soviétique.
Le 4 février, à Moscou, se sont tenus pas moins de deux sommets réunissant des chefs d'Etats de la CEI, celui de l'Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) et celui de la Communauté économique eurasiatique. Les présidents de Biélorussie, Russie, Kazakhstan, Kirghizistan, Tadjikistan, Arménie et Ouzbékistan se sont mis d'accord pour créer, d'une part, des Forces communes de réaction rapide (KSOR) de 15 000 hommes et, d'autre part, un fond spécial anticrise de 10 milliards de dollars. "Quelque chose comme l'OTAN et le FMI sous l'égide russe", résume le quotidien Vremia Novostieï.
La position centrale et dominante de la Russie dans ces structures saute aux yeux et est largement commentée. Elle versera 7,5 milliards de dollars sur les 10 du fond d'investissement anticrise, et fournira 10.000 des 15.000 hommes des KSOR. Le poste de secrétaire général de l'OTSC a, par ailleurs, été confié, pour cinq ans, à un Russe, Nikolaï Bordiouja. "Le rôle de la Russie au sein de l'OTSC n'est pas seulement immense, commente le journal en ligne ukrainien Seïtchas, il est absolu. Moscou décide de tout, pour la simple et bonne raison qu'elle en est le sponsor." Le quotidien moscovite Nezavissimaïa Gazeta pointe du doigt les "largesses" pratiquées par Moscou en pleine crise à l'égard de ses alliés et énumère les crédits octroyés ces derniers temps à Cuba, à la Biélorussie, au Kirghizistan. "On ne voudrait pas que la Russie marche sur le même râteau que l'URSS, consacrant toutes ses ressources à la confrontation globale avec l'Occident".
Par ailleurs, la veille du sommet de l'OTSC, lors d'une session du Haut Conseil d'Etat de l'Union russo-biélorusse, les présidents russe, Dmitri Medvedev, et biélorusse, Alexandre Loukachenko, avaient renforcé le processus d'intégration entre leurs deux Etats. Ils avaient signé un accord sur la création d'un système de défense aérienne commun et bâti un plan de sauvetage de leurs économies prévoyant l'introduction d'une monnaie unique dans un espace économique unifié.
Cependant, rassembler les pays membres de l'OTSC autour des objectifs communs n'a pas été chose facile pour Moscou, juge le journal en ligne kazakh Respublika-kz.inf. Il rappelle le travail en amont réalisé par la Russie pour convaincre ses partenaires de constituer l'OTSC et de renforcer la composante militaire de l'organisation. "Medvedev a d'abord réuni les présidents kazakh, kirghize, tadjik et arménien près d'Astana [capitale kazakhe], le 19 décembre. Il a obtenu que la décision sur la création des forces collectives soit entérinée. Puis il a tenu à rencontrer, en tête à tête, les présidents de la Biélorussie et de l'Ouzbékistan, ce dernier étant assez réticent quant à la nécessité d'avoir les forces collectives. Enfin, tout a été fait pour persuader Emomali Rakhmon, chef de l'Etat tadjik, mécontent du rapprochement entre Tachkent et Moscou sur la question tendue de la gestion des ressources en eau de la région d'Asie centrale, de participer au sommet de Moscou."
Même si l'Ouzbékistan ne participera pas de manière permanente aux forces collectives, mais "déléguera ses militaires pour participer à des opérations antiterroristes et antidrogues", comme le précise le webzine centrasiatique Ferghana.ru, la victoire diplomatique et stratégique de la Russie est incontestable. "La Russie veut renforcer son influence militaire et politique sur l'espace postsoviétique", analyse le quotidien azerbaïdjanais Zerkalo. "[Sous le leadership de Moscou], l'OTSC poursuit deux objectifs : endiguer l'élargissement de l'OTAN à l'est et préserver le contrôle sur les ressources énergétiques de la zone et les voies de leur évacuation sur les marchés mondiaux. Par ailleurs, Bakou est concerné dans la mesure où la création des forces collectives de l'OTSC et le refus du Kirghizistan de continuer d'accueillir sur son sol la base militaire américaine de Manas rendent inévitable la naissance dans le Caucase du sud d'une base militaire américaine. Probablement en Géorgie [dans le cadre de la Charte stratégique américano-géorgienne signée le 9 janvier]", conclut Zerkalo. Des rumeurs persistantes – et vigoureusement démenties par le gouvernement géorgien – sur cette éventualité ne cessent de reprendre de plus belle dans la région.
Source du texte : COURRIER INTERNATIONAL