J’ai dit l’inquiétude des Français. Cette inquiétude est la même dans toute l’Europe. Les Européens sont inquiets, déboussolés, ils ne voient plus le cap, ils ne voient plus la vision. Pour eux, nous devons retrouver une capacité d’agir, une capacité à forcer le destin. Au fond, c’est cela le véritable enjeu des élections européennes. Je veux que ces élections agissent comme un levier pour réformer l’Union européenne et améliorer la vie quotidienne de chacun de nos concitoyens.
La première défense, c'est que l’Europe se donne enfin les moyens d’agir d’abord sur le plan économique et social. Tout le monde le sait, nous le disons depuis des années, nous avons besoin d’une cohérence économique nouvelle. L’Europe doit se doter enfin d’une fiscalité harmonisée. Elle doit enfin développer une politique industrielle commune, elle doit enfin avoir une coordination de la recherche et du développement, en particulier pour les énergies du futur.
L'Europe doit soutenir de grands projets d’infrastructures pour des transports propres. Mais aussi pour acheminer gaz et pétrole sans être ou devenir les otages de certains, comme nous l'avons été avec la Russie, il y a quelques semaines. Je veux que nous agissions pour que plus jamais ne se reproduise la situation de cet hiver où la moitié de l’Europe grelottait, tandis que l’autre moitié était bien au chaud. C'est cela qu'il faut changer aussi.
Nous devons nous doter d’outils au service d’une gouvernance économique. Nous devons réformer, refonder l’Eurogroupe, lui donner plus de poids, plus de pouvoir, nous devons créer un fonds d’investissement et nous devons donner à l’Union européenne une capacité propre à emprunter. Aujourd’hui, non seulement dans la crise nous ne sommes pas en mesure de lancer un grand emprunt, qui aurait été sacrément utile pour faire rebondir et repartir la croissance en Europe, mais, nous ne pouvons pas non plus aider les pays qui en ont besoin. Ainsi, par exemple la Hongrie est allée frapper à la porte du FMI pour avoir une aide financière. Eh bien, cela aussi, il faudra que cela change.
En même temps que cette Europe économique, nous voulons faire avancer l’Europe sociale, car tout est lié. Il n’y aura pas de réussite économique durable sans vrai progrès social. Les pays les moins développés doivent enfin progresser pour éviter à l’avenir les risques de dumping social. L’Europe doit imposer les convergences vers le haut. Cela ne se fera pas tout seul, c'est au pouvoir politique de le faire. De même, l'Europe devra, à l’avenir, défendre l’idée que tout ne relève pas du secteur marchand et qu’il y a des services d’intérêt général qui doivent être préservés ; l’éducation, la santé, la formation bien sûr, mais aussi la Poste et les transports de proximité.
Nous devons aussi nous donner les moyens d’agir au plan mondial en faisant évoluer le commerce international vers plus d’équité, mais aussi à plus de responsabilité. On ne peut plus produire en continuant de polluer la planète, on ne peut plus produire en bafouant la dignité humaine d’enfants que l’on fait travailler, au lieu de les envoyer à l’école. On ne peut plus produire en négligeant les questions de santé. L’Europe refuse l’importation du bœuf américain aux hormones, et du poulet chloré, et du lait chinois contaminé à la mélamine et elle a bien raison cette Europe-là ! Nous allons, je l’espère, vers un nouvel accord international en matière de lutte contre les effets du changement climatique, mais vous devez savoir que cet accord, et je le regrette, prévoit d’autoriser les industries européennes les plus polluantes à continuer de polluer tant que leurs concurrentes chinoises par exemple, elles aussi, continueront de polluer. C’est un cercle vicieux incroyable dont on ne sortira qu’en imposant les mêmes normes à tous. L’OMC doit intégrer ces nouvelles exigences environnementales, sanitaires et sociales, il en va de l'avenir de l'Europe et de la planète.