A l’heure où tous les acteurs du web s’interrogent sur la construction de l’identité numérique et de la marque personnelle, nous nous sommes demandés si les activités vidéosludiques pouvaient être un atout pour mettre en avant des compétences que l’on ne s’imaginait pas.
Passer des heures sur un jeu en ligne pourrait-il à l’avenir permettre de se démarquer auprès des recruteurs ?
En décembre 2008, GameInSociety livrait une analogie entre le travail en entreprise et le jeu en citant Durkheim, qui écrivait dans ses Leçons de sociologie (1950) : « le travail est une instance de socialisation centrale dans le système social, dans la mesure où elle permet l’apprentissage du groupe, de ses normes, et le respect de la morale. »
Selon GameInSociety, le travail et le jeu en ligne possèdent de ce point de vue un certain nombre de similitudes. Le jeu sur Internet requiert lui aussi une intégration dans le groupe, selon un certain nombre de règles parfois implicites propres à la vie en société (respect des normes, de la morale…). Il existe une hiérarchie qu’il faut respecter, des ordres qu’il faut suivre… Seule différence : la structure sociale, tout comme les objectifs du groupe.
Cependant, une socialisation dans les jeux vidéos est souvent perçue de manière négative. Les médias ont tendance à véhiculer une image dégradante du jeu en ligne (voir par exemple ce reportage de France 2), et quelques cas particuliers de candidats refoulés pour avoir avoué pratiquer leur passion ont mis en exergue un profond malaise entre le monde du jeu et celui travail.
“J’espère que les mentalités évolueront”
Pour mieux appréhender cette incompréhension entre monde du travail et monde du jeu en ligne, nous avons interrogé Amilia, passionné de World of Warcraft et maître de la guilde Millenium. Dans ce jeu qui rassemble près de 11 millions de joueurs à travers le monde, Amilia est un meneur d’hommes, il organise des sorties en groupe pouvant atteindre 25 ou 40 personnes. Ces sorties consistent à mener des opérations en équipe comme l’attaque d’un territoire ennemi, l’invasion d’un donjon ou le combat en arène contre une faction adverse. Amilia est aussi responsable d’une guilde, une sorte de micro-communauté dans laquelle les joueurs échanges des informations et se donnent des coups de main.
Dans la vie, Amilia est ingénieur d’étude et développement dans le domaine de l’informatique financier. Il s’interroge sur le fait de ne pas pouvoir exprimer sans a priori ce qu’il a appris grâce à son expérience dans le jeu : “J’espère que les mentalités évolueront et que le fait de gérer une équipe de 25 ou 40 joueurs ne soit pas vu indéfiniment comme un manque de sérieux de la part d’un recruteur. Ces derniers, de part leur manque de culture sur ce sujet, ne se rendent pas compte des similitudes avec le monde de l’entreprise, surtout en terme de management.”
“Le fait que le jeu vidéo ne soit pas encore bien perçu des médias, qui souvent “diabolisent” les joueurs, ne joue pas en notre faveur”, conclut-il.
Alors, que faire si un recruteur vous interroge ?
Dans un contexte difficile pour l’image du jeu vidéo, comment devez-vous réagir si un recruteur vous demande quelles sont vos passions ? Ou s’il vous demande des précisions sur la mention “Jeu en ligne” que vous avez inscrite sur votre CV ?
La législation française protège la vie privée des candidats. En effet, selon l’article L. 1221-6 du Code du travail : ”les informations demandées, sous quelque forme que ce soit, au candidat à un emploi ne peuvent avoir comme finalité que d’apprécier sa capacité à occuper l’emploi proposé ou ses aptitudes professionnelles. Ces informations doivent présenter un lien direct et nécessaire avec l’emploi proposé ou avec l’évaluation des aptitudes professionnelles.”
Vous êtes donc parfaitement en droit d’éluder une question si vous sentez qu’elle ne concerne pas le recruteur. A l’inverse cependant, si vous sentez que les choses se passent bien, vous pouvez aussi bien mettre en avant cette expérience et utiliser la pratique du jeu vidéo comme « argument de vente ». Quand on l’interroge à ce sujet, Amilia suggère plusieurs arguments et considère que son expérience l’a notamment amené à :
- imposer le respect entre les joueurs et vis à vis du leader du groupe
- gérer des conflits
- motiver son équipe
- être amené à prendre des décisions rapidement
Un dernier petit conseil : la manière dont vous abordez le sujet est particulièrement importante. S’il est bien souvent conseillé de rester authentique, il faut aussi montrer que l’on n’est pas un “drogué du virtuel”. A titre d’exemple, n’hésitez pas à parler de votre passion pour les jeux vidéos en complément de votre implication dans une association, un groupe de musique ou tout autre activité extra-professionnelle présentant un intérêt.
Et vous, lecteurs, qu’en pensez-vous ?
Le but de cet article est avant tout d’ouvrir le débat ou en tout cas d’amener la réflexion. Le jeu vidéo fait aujourd’hui partie de notre univers culturel et ludique (le marché du jeu vidéo a même dépassé celui de la vidéo en 2008). Les nouveaux candidats entrant dans le monde du travail sont tous des “digital natives” ce qui va bouleverser les façons de recruter dans les années à venir.
- Faut-il afficher sa “vie” vidéoludique sur son CV ?
- Qu’en pensent les recruteurs ? Est-ce vraiment un plus pour certains postes ?
- Peut-on construire sa marque personnelle autour de ces compétences avec un coach ?