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Compatibilité d'une "Anti-suit injunction" avec le droit européen

Publié le 10 février 2009 par Duncan
CJCE, Arrêt du 10 février 2009, Allianz, C-185/07.
Compatibilité d'une Un navire (le Front Comor, en photo), affrété par une compagnie italienne (Erg) à son propriétaire la société West Tankers, a eu un accident au cours du mois d'août 2000 au large de Syracuse. Le contrat d’affrètement était soumis au droit anglais et contenait une clause prévoyant que le litige serait tranché par un tribunal arbitral londonien.
Erg a été dédommagé partiellement par ses compagnies d'assurance et a engagé une action contre West Tanker à Londres pour le surplus. Parallèlement, les dites compagnies d'assurance (Allianz et Generali) ont intenté un recours contre West Tanker devant un tribunal italien. afin de récupérer les montants versés. West Tanker soulève alors l'incompétence de ce for italien arguant de l'existence de la clause d'arbitrage. Il a également demandé aux tribunaux anglais que soit prononcée une injonction interdisant à Allianz et Generali de recourir à une procédure devant ce tribunal italien ("anti-suit injuction").
Le Tribunal anglais saisi a délivré l'injonction par un jugement de 2005. Allianz et Generali ont fait appel de ce jugement, invoquant que cette procédure d'injonction est contraire au règlement 44/2001. La Cour de Justice s'est déjà prononcée sur cette question concernant des procédures ordinaires en concluant que de telles injonctions n'étaient pas compatibles avec ce règlement (arrêts Gasser et Turner), mais la juridiction britannique saisie du recours s'interroge sur la possibilité de transposer cette jurisprudence dans le cadre d'un litige normalement soumis à un tribunal arbitral. En effet, l'arbitrage est exclu du champ d'application du règlement 44/2001 (article 1, §2, d)
Crédit photo: Gwénaëlle.

La CJCE débute son analyse en précisant la notion d'injection "anti-suit". Celle-ci s’adresse à l’auteur actuel ou potentiel d’un recours à l’étranger et l'enjoint à ne pas débuter une procédure. Au cas où le destinataire d’une telle injonction n’y obtempère pas, il s’expose à des poursuites pour outrage au tribunal, qui peut être sanctionné par des peines allant jusqu’à la contrainte par corps ou à la mise sous séquestre de ses biens.
La Cour reconnaît que la procédure qui aboutit à l'adoption d'une telle injonction ne peut pas relever du champ d’application du règlement n° 44/2001. Mais, "elle peut néanmoins avoir des conséquences qui portent atteinte à l’effet utile de ce dernier, à savoir empêcher la réalisation des objectifs de l’unification des règles de conflit de juridictions en matière civile et commerciale ainsi que de la libre circulation des décisions dans cette même matière" (point 24).
Or, en l'occurrence, selon la Cour,  la procédure en dommages et intérêts engagée par Allianz et Generali contre West Tanker en Italie relève du champ d’application du règlement nº 44/2001 de même que la question préalable portant sur l’applicabilité d’une convention d’arbitrage, y compris notamment sur sa validité. Il appartient alors exclusivement au tribunal italien de statuer sur cette exception ainsi que sur sa propre compétence en vertu des articles 1er, paragraphe 2, sous d), et 5, point 3, de ce règlement (point 27).
Il s’ensuit qu’une «anti-suit injunction» ne respecte pas le principe général qui se dégage de la jurisprudence de la Cour relative à la convention de Bruxelles, selon lequel chaque juridiction saisie détermine elle‑même, en vertu des règles qui lui sont applicables, si elle est compétente pour trancher le litige qui lui est soumis. De plus, en entravant la juridiction d’un autre État membre dans l’exercice des pouvoirs que le règlement n° 44/2001 lui confère, elle va en même temps à l’encontre de la confiance que les États membres accordent mutuellement à leurs systèmes juridiques ainsi qu’à leurs institutions judiciaires et sur laquelle repose le système de compétences du règlement n° 44/2001 (points 29 et 30). Par conséquent, une «anti-suit injunction», telle que celle dans le litige au principal, n’est pas compatible avec le règlement n° 44/2001.
La Cour va renforcer cette conclusion en procédant à une brève analyse de la convention de New York  sur la reconnaissance et l'exécution des sentences arbitrales étrangères selon laquelle (article II,3) c’est le tribunal d’un État contractant, saisi d’un litige sur une question au sujet de laquelle les parties ont conclu une convention d’arbitrage, qui renverra les parties à l’arbitrage, à la demande de l’une d’elles, à moins qu’il ne constate que ladite convention est caduque, inopérante ou non susceptible d’être appliquée.

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