nucléaire, france 3, Pièces à conviction, Elise Lucet, areva, déchets nucléaires Par La rédaction du Post
le 09/02/2009,
Sur Le Post, Elise Lucet raconte les coulisses de " Pièces à conviction" diffusée mercredi, qui met à jour la contamination de la France par les déchets des mines d'uranium.
Le numéro de "Pièces à Conviction" qui sera diffusé mercredi à 20h35 sur France 3 risque de faire parler de lui, ou plutôt d' Areva. En effet, l'équipe d' Elise Lucet s'est intéressée aux déchets nucléaires des mines d'uranium qui ont été enfouis dans des lieux où nous nous balladons tous: des parkings, des stades de foot, ou encore des parcours de santé. On apprend également que de multiples cours d'eau sont contaminés.
Intitulé "Uranium, le scandale de la France contaminée", le reportage de dénonce un "scandale sanitaire", dont les victimes ne savent parfois pas qu'elles sont en danger. La thèse du reportage est claire: des mines d'uranium françaises n'étant plus en activité depuis longtemps pourraient encore être dangereuses et personne ne s'en préoccupe.
Il y a une dizaine de jours déjà, l'émission a fait parler d'elle: Areva a décidé de saisir le CSA, reprochant à France 3 d'avoir communiqué sur le contenu de l'émission avant d'avoir interviewé Areva. Ce qui était prévu le lendemain. L'entreprise avait précisé: "Areva (ex-Cogema) soutient le contraire (sur la dangerosité des déchets ndlr) , estimant extrêmement improbable l'hypothèse d'une exposition prolongée évoquée par l'émission."
Ce lundi, l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) a rendu un rapport sur l'exploitation des sols et roches issus des anciennes mines d'uranium de la Cogema (aujourd'hui Areva NC) dans le Limousin. Le rapport estime que cette "exploitation n'est pas assez encadrée ni vérifiée". En outre le rapport précise que "le bilan décennal d'Areva n'a pas fait état de la présence de matériaux irradiants dans l' environnement", relève l'IRSN qui "considère que les informations dont dispose Areva NC ne sont pas suffisantes pour exclure tout impact".
Voici en avant première pour Le Post un extrait de l'émission.
Ce reportage, qui va marquer les esprits et sans doute faire réagir les politiques, sera diffusé mercredi 11 février.
Sur Le Post, Elise Lucet raconte les coulisses de l'émission et donne quelques pistes sur les réponses d'Areva et de Jean-Louis Borloo.
Comment vous est venue l'idée de traiter ce sujet sur les déchets nucléaires?
"Nous avons pour habitude de traiter des sujets d'actu chaude comme la crise mais nous enquêtons aussi sur des dossiers dont tout le monde se fout. En juin, nous en avons discuté avec la boîte de production Ligne de Mire. J'avais déjà parlé de ce problème il y a 14 ans dans une autre émission mais je n'imaginais pas qu'aujourd'hui on en était à ce point avec 25 départements touchés et 200 millions de tonnes de résidus."
"Devant l'ampleur de ce scandale et la volonté farouche de la Cogema puis d'Areva de faire comme s'il ne s'était rien passé, on a décidé d'enquêter. Et plus on enquêtait, plus on se rendait compte qu'il y avait une omerta. Mais nous sommes une émission de service public et notre mission est d'informer les gens et de lever le voile."
Vos reportages sont clairement à charge. Même si un porte-parole d'Areva est sur le plateau, on n'entend pas Areva dans les reportages hormis par la voix du responsable de la communication qui ne dit pas grand chose...
"Non, notre reportage n'est pas à charge, il est réaliste. Pendant un mois, nous avons sollicité Areva quotidiennement. On nous répondait qu'Anne Lauvergeon (la présidente du directoire d'Areva ndlr) n'avait pas le temps. Mais je pense qu'elle ne souhaitait pas s'exprimer. D'ailleurs, nous avons été très surpris qu'Areva saisisse le CSA alors que nous les avions quotidiennement au téléphone..."
"Et puis sur le terrain, quand nous sommes avec des personnes d'Areva, elles ne souhaitent pas être filmées. Ce n'est pas une volonté de notre part, mais ce qu'il faut comprendre, c'est qu'Areva s'en est tirée pendant deux décennies en ne communiquant pas. Nous on les dérange, donc ils ont quand même répondu par l'intermédiaire de leur porte-parole sur le plateau."
Justement, vous dites que le sujet dérange, à France Télévisions, vous n'avez pas eu de souci?
"Non, aucun. Nous étions libre politiquement et nous n'avons jamais reçu une injonction de qui que ce soit."
Vous avez rencontré Jean-Louis Borloo, que dit-il?
"On a surpris Jean-Louis Borloo en amenant au ministère des cailloux radioactifs qu'on a ramassés à Gueugnon et sur le parking de la station de ski. Il était un peu faché qu'on ne l'informe pas avant. Jean-Louis Borloo avait l'impression que le dossier était sous contrôle. Mais il a eu l'air de se rendre compte de la réalité et a affirmé que cette situation était inacceptable."
Pensez-vous qu'il y ait une réelle volonté politique d'enrayer ce problème?
"Oui, il a une volonté de Borloo, de dominique Voynet et de Corinne Lepage (tous trois ministres de l'environnement ndlr). Mais la pression de ce lobby historique qu'est le nucléaire est très forte. Les acteurs du nucléaire n'ont pas l'habitude de référer aux journalistes ou aux ministres, mais à l'Elysée."
Quand vous êtes allée sur le terrain, que vous disaient les gens, ils étaient au courant?
"Ils savent, mais depuis peu de temps. Les habitants de Gueugnon par exemple ont appris qu'il y avait des déchets nucléaires il y a un an environ. Ils sont effarés et ont l'impression d'avoir été floués, d'autant que Gueugnon a l'image d'une ville saine et sportive."
Ne trouvez-vous pas que les reportages sont un peu trop alarmistes?
"Je ne crois pas. On a mésestimé ce problème pendant si longtemps. Nous ne sommes pas une bande d'anti-nucléaires farouche, mais quand on met en place une politique énergétique fondée sur le nucléaire comme l'a fait la France, la moindre des choses est d'en gérer l'héritage et ne pas faire comme si."
Justement, comment le porte-parole d'Areva a-t-il réagi?
"Il a tenté de montrer qu'un morceau de granite crépitait autant au compteur geiger (ce qui permet de mesurer la radioactivité ndlr) que les cailloux que nous avons ramenés de notre reportage mais il retournait son morceau de granite dans tous les sens pour qu'il crépite! Par contre, il a effectivement reconnu qu'Areva a mésestimé le problème depuis des années car il y avait des déchets hautement nucléaires qui devaient être traités mais il n'a pas cessé de nous dire malgré tout que ce n'était pas dangereux. Areva se base sur des normes internationales qui sont assez laxistes et ils ne veulent pas entendre parler des nouvelles normes. Ils ont choisi les normes plutôt que le principe de précaution."
Qu'attendez-vous de la diffusion de votre émission?
"Il ne s'agit pas de semer la psychose ni de dire aux gens qu'ils vont mourir demain mais il faut les informer. Les citoyens français sont pris pour des imbéciles et j'espère qu'il y aura une prise de conscience, comme cela a été le cas pour l'amiante. Avec notre émission, nous ouvrons une brêche, et ce sera compliqué de la refermer comme ça pour Areva. Il va falloir penser à tenir un discours responsable et donner à la population les moyens de se protéger."
Voici la bande-annonce de l'émission: