Fiscalecompèt et fricfrac

Publié le 10 février 2009 par Jlhuss

Les entreprisestransnationalesapatrides ont pu entraîner au cours des 20 dernières années, la quasi-totalité des États du monde dans une “compétition entre systèmes fiscaux” : les jeux olympiques fiscaux. Parce que les pays sont en concurrence pour attirer les investissements internationaux, ils pratiquent le nivellement par les bas.
Cette tendance n’est pas d’hier mais d’avant-hier, dans les années 80/90, lorsque le gouvernement américain a fait passer de 46 à 34% l’impôt sur les bénéfices pour les sociétés de capitaux, fixant ainsi une nouvelle norme mondiale. Au fil des ans, la plupart des autres pays industriels ont dû suivre “l’exemple”.
La compétition au sein de l’Union Européenne, a des allures grotesques sous le vocable Union. Ainsi depuis 1990, la Belgique offre aux entreprises actives dans au moins quatre pays la création de ce que l’on appelle les coordinations centers. Les groupes peuvent y centraliser toutes les espèces de prestations de services, comme la publicité, le marketing, le conseil juridique, et surtout leurs affaires financières; ils ne sont pas contraints de soumettre à l’impôt les profits qu’ils y réalisent, mais uniquement une partie de leurs dépenses de fonctionnement locales.

Autre exemple, l’offre faite par l’Irlande aux évadés du fisc : tous ceux qui font traiter leurs affaires financières par un bureau situé dans Dublin peuvent en profiter. Sur chaque euro d’intérêt gagné par une concession en Irlande, seuls 10 centimes vont dans les caisses de l’Etat irlandais.
Ce tourisme sans frontières a eu et a de graves conséquences dont on évite de parler. En effet la politique fiscale des États, facteur de régulation,  disparaît progressivement, l’autorité fiscale n’est plus de mise … une souveraineté de moins en fait.
Dans cette compétition, le taux d’imposition des entreprises diminue dans le monde entier. Ce ne sont plus les gouvernements démocratiquement élus qui décident du niveau d’imposition, mais les dirigeants du flot des capitaux et de marchandises. Ils déterminent eux-mêmes la contribution qu’ils veulent bien accorder à la mise en oeuvre des missions de l’Etat.

L’assèchement progressif des finances de l’Etat par l’économie sans frontières n’est pas seulement une question de ressources. La nouvelle transnationale détourne aussi vers ses caisses une partie croissante des dépenses publiques. La compétition pour les dépenses les plus basses s’accompagne d’une course aux subventions les plus généreuses. La mise à disposition gratuite de terrains avec tout l’équipement possible, routes, rails, courant et eau, fait partie de la norme mondiale minimale. A chaque fois qu’un groupe veut créer un centre de production, les planificateurs des coûts peuvent en outre compter sur les subventions et aides de toute nature. Lorsque la multinationale Sansung fait payer plus de 100millions de dollars d’investissement par le ministère des finances britannique sur le milliard de dollars que lui coûte la construction de sa nouvelle usine, c’est assez intéressant. Cela n’a rien d’extraordinaire …  Il ne semble pas y avoir de plafond. Les États et les régions qui veulent devenir un point d’implantation doivent y passer.

Forcés de présenter à leurs électeurs des actions concrètes contre le chômage, les hommes politiques chargés de mettre en oeuvre l’intégration au marché mondial ne comprennent plus qu’en cherchant à attirer les entreprises à prix d’or, ils ne font que nuire, à long terme, aux sociétés de leur propre pays. 

Ce déclin de la politique sur le plan monétaire et fiscale n’est qu’un symptôme parmi d’autres. Car tout comme les banques et les grands groupes, les multinationales du crime profitent elles aussi de la disparition de ces liens légaux qui bridaient l’économie (elle a besoin d’être bridée, en effet) Dans la totalité des pays européens, les autorités policières et judiciaires évoquent la croissance très rapide de la criminalité organisée. “Ce qui est bon pour le libre-échange est aussi bon pour les criminels”. Le chiffre d’affaire du marché mondial de l’héroïne a plus que doublé tandis que le commerce de la cocaïne a été multiplié par 5 ou 6, dans les 20 dernières années. Les cigarettes détaxées, les armes, les voitures volées et le passage des clandestins prennent le relais du trafic des drogues au sommet de la pyramide des ressources clandestines. Avec le seul passage des migrants, forme moderne de l’esclavage, les gangs chinois (”triades”) ont réalisé aux États-Unis des profits annuels de 5 milliards de dollars estiment certains observateurs américains.

Pour ce qui concerne le commerce clandestin, les prises ne nuisent pas beaucoup. Les enquêteurs ne peuvent jamais arrêter que les diffuseurs et les transporteurs. les organisateurs, honorables hommes d’affaires, sont quant à eux intouchables. Le Liechtenstein ou le Panama ne sont pas accessibles en effet : à leur frontière à eux, la collaboration policière internationale s’arrête. Quelle que soit l’efficacité du travail de la police et de la justice, les profits accumulés demeurent intangibles dans l’espace sans droit du marché financier global. Le secret bancaire des zones d’évasion du capital, que la communauté financière internationale défend bec et ongles, ne protège pas seulement les fraudeurs de l’impôt.

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