S'il fallait montrer une dernière fois aux sceptiques que la politique sociale se pense au Medef, voilà qui est fait. Les yeux se décillent encore un peu plus quand on apprend aujourd'hui que Laurence Parisot, chevau-léger du gouvernement, a décidé de mettre un nouveau petit bébé sur la table à langer des partenaires sociaux en 2009 : la refonte du "licenciement pour motif économique". Un petit frère de la désormais célèbre "rupture conventionnelle", dont les salariés français commencent à goûter les effets. Conçue comme une assurance tous risques pour simplifier les ruptures du contrat de travail au seul avantage de l'employeur qui ne passerait plus par la vilaine case prud'homale, la mise en oeuvre de la rupture conventionnelle ne fut qu'un rouage de l'entreprise de démolition du Code du Travail. Mais coucou, revoici Mme la présidente du Medef, qui pense depuis longtemps - et cela se voit - que « la liberté d'entreprendre s'arrête là où commence le code du travail ».(janvier 2005)
Prête à en découdre en 2009, Madame Parisot, qui a dû recevoir l'imprimature du Plus Haut, va donc se lancer à nouveau dans un combat qui s'annonce tumultueux pour bouter hors du sol français des dispositions réglementaires et législatives liberticides à ses yeux, qui façonnent cette rupture du contrat de travail si particulière qu'est le licenciement économique. Pourtant, les salariés qui ont connu tel licenciement sont payés pour savoir que le dispositif n'est pas merveilleux. Mais c'est encore trop pour le patronat; encore trop de contraintes procédurales - assises par une jurisprudence de long terme - et pas assez de flexibilité. Madame Parisot en est furieuse, elle qui disait déjà en 2005 avec un bon sens très chic que « la vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? ».
La précarité, voilà le cheval de Troie de la dame, qui, préparant le terrain, promettait déjà en 2007 que l' "on embauchera plus s'il est moins compliqué de licencier" ! CQFD.
C'est vrai, quoi: c'est trop compliqué de licencier en respectant une procédure minimale, respectueuse du salarié. Trop astreignante cette obligation préalable, essentielle, de recherche de reclassement avant de lancer la procédure. Afin que, peut-être, après une recherche sérieuse, une vie salariée soit moins malmenée.
Madame Parisot, benoîtement, par une étape de plus dans le désossage du Code du Travail, prétend vouloir "sécuriser" le licenciement économique. Ah bon? Il ne le serait présentement pas ?
Elle a un peu raison, Madame Parisot. Si c'est pour freiner la pratique actuelle d'un nombre impressionnant d'employeurs qui pratiquent sans vergogne des licenciements personnels au lieu et place de licenciements économiques, bravo! Les conseillers du salarié des départements de France en savent quelque chose, de cette épidémie dont ils sont les témoins privilégiés. Voyez ce bel exemple dans mon billet de blog du 28 janvier 2009 "Nadine, "vraie rousse et faux licenciement". Il tombe à pic.
Difficile de licencier économique ? Un peu de décence dans l'affirmation serait bien nécessaire, tant il est très mode, par ces temps qui courent, de faire semblant de muter géographiquement à 400 kilomètres un salarié dont on sait à l'avance qu'il refusera parce que sa vie est ici et non là-bas, et qu'ainsi s'ouvre la voie du désemploi, pas cher pour ceux qui jouent à ce jeu. Et ça marche! Avec en plus, - la méthode est magique -, des salariés culpabilisés ne réagiront pas.
Difficile de licencier économique? Posons plutôt cette affirmation: il est facile de contourner un licenciement économique. Imaginons une histoire invraisemblable: je suis employeur, mon entreprise connaît des difficultés économiques; je me rapproche d'un salarié, je lui propose une "rupture conventionnelle"; il accepte et le tour est joué: sa rupture de contrat échappera aux dispositions d'un licenciement économique (et, miracle, les chiffres réels du chômage ne seront pas surchargés...). Et s'il refuse, je me fais fort de lui donner le goût de la démission. Invraisemblable, cette histoire? Ils seront si nombreux, ceux qui s'y reconnaîtront...
D'aucuns au Medef ou ailleurs, voudraient, par un "je te prends/je te quitte sans sommation" violent, un retour aux "loueurs de bras" des siècles passés ? Ils y arrivent.
De chaudes heures sont à venir..Philippe MARX - Agir ! Réagir !