Le credo de la plupart des soutiens de Bernard Kouchner se résume facilement : un «honnête homme»…
A gauche c’est, néanmoins avec quelque embarras, la même ligne de conduite. Notamment Martine Aubry. Encore que cette «perle» relevée dans le Figaro et d’autres titres soit à la fois quelque peu critique et fort alambiquée !
«Bernard Kouchner est un homme honnête. Je pense qu’il aime un peu trop le pouvoir, c’est peut-être pour cela qu’il est là où il est» (…)«Je ne dirai pas un mot de désagréable sur lui sur cette affaire, dont je ne connais rien, et que je préfère ne pas croire, parce que je ne la crois pas»…Cela relève quasi de la «méthode Coué» ! sinon du jésuitisme.
Arnaud Montebourg est autrement sévère : “Ça me paraît problématique qu’un ministre ait reçu de l’argent de chefs d’Etat africains dont la réputation est contestable sur le plan des droits de l’homme. (…)«Les importantes révélations relatives aux multiples conflits d’intérêt et aux affaires d’argent dans lesquels se débat le ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner, constituent pour le moins de graves infractions à la morale publique». (…) «Si Bernard Kouchner a encore un honneur, il doit enfin s’expliquer sérieusement devant l’opinion publique».
“Ce n’est pas opportun politiquement de s’en prendre à lui car, dans l’opinion publique, son image évoque autant la gauche que l’actuel gouvernement”, explique le député de Paris Jean-Marie Le Guen… Bof ! opportunisme cynique bien en accord avec ce que je pense du personnage…
D’autant que l’opinion publique peut être versatile. Ainsi j’ai lu dans 20 minutes l’interview de Frédéric Dabi - directeur du département opinion publique de l’IFOP – interrogé sur la forte de cote de popularité dont jouit Bernard Kouchner dans l’opinion publique française et l’impact que peut avoir le livre de Pierre Péan sur l’homme politique… qui remarque que les propos désobligeants de Kouchner sur Rama Yade et les droits de l’homme lui avaient fait perdre 10 % d’opinions favorables d’un seul coup…
Selon lui la popularité d’une personnalité politique dépend de trois facteurs essentiels : «l’intégrité, l’honnêteté et le parler vrai… Dans le cas de Bernard Kouchner, les trois conditions sont réunies»… Je dirais plutôt «étaient» réunies !
Il reste que «l’impact du livre ne dépendra pas tant du contenu en lui-même que de sa résonance médiatique et (…)que l’important sera de voir si ce livre a un impact sur la cohérence des actions qu’a pu mener Bernard Kouchner. Si cette cohérence est brisée alors sa cote de popularité en souffrira».
Bernard Kouchner, sera-t-il pris à son propre piège ? «expert en mécaniques compassionnelles» à «l’ego surdimensionné» qui n’aimait rien tant que le «tapage médiatique» - tout comme son compère BHL – lui même largement égratigné par Pierre Péan et dont le mépris pour ceux qui osent critiquer son grand homme est proprement répugnant : “Y en a marre de ces petits procès, de ces petites saloperies, de ces nains, comme Pierre Péan, qui se juchent sur les épaules de quelqu’un qui a fait quelque chose de sa vie et qui essayent d’en tirer avantage.”… Quels arguments ! Et il ose se dire philosophe ?
Pauvre nain lui-même ! Ce n’est pas la modestie qui étouffe cet ego sur pattes. Pour lui, il n’y a que le fric, l’esbroufe et une pauvre petite gloriole de pacotille qui comptent. Tout le monde «fait quelque chose de sa vie»… On essaie. Avec des hauts et des bas. Point n’est besoin pour cela de se mettre en avant – devant les caméras !
Aujourd’hui, nous connaissons encore les noms des grands écrivains depuis au moins la Renaissance et l’âge classique. Dans 50 ans, qui se souviendra de Bernard-Henry Lévy ? Il ne laissera pas plus d’ombre qu’un Paul Bourget. Idem pour les grands hommes politiques. Personne n’ignore les noms de Richelieu, Mazazin, Colbert, pour les plus anciens. Dans 50 ans, Bernard Kouchner ne laissera guère plus de traces qu’un vague chef de bureau de son ministère.
Cette idée aussi, parce qu’il aurait fait quelque chose de bien, une fois pour toutes cela vaudrait absolution générale pour des vilenies et il ne devrait pas être critiqué pour les «zones d’ombre».
Que Pierre Péan ait voulu tirer profit de son livre et des «scoops» qui ont accompagné son lancement, c’est aujourd’hui la loi du genre, même si on peut le regretter. Ce n’est sûrement pas à un BHL - qui sait parfaitement utiliser les médias pour lancer la moindre crotte faite le matin même - qui me semble le mieux placé pour critiquer cette pratique.
Du côté de l’UMP, soutien quasi total avec quelques bémols, très souvent feutrés. Mais du moment – qu’apparemment – Nicolas Sarkozy lui garde toute sa confiance, les «braves petits soldats», le doigt sur la couture du pantalon ne se risqueraient pas à le contredire, s’ils ne veulent pas être «grillés» du côté de l’Elysée !
Je ne sais comment doit être comprise la réaction de Claude Goasguen qui a déclaré «être tombé des nues» en apprenant le contenu du livre. «On ne s’attendait pas à ce genre de révélations»… Je n’y vois pas vraiment un soutien total ! Mais Goasguen fait partie des «francs tireurs» qui semblent se soucier de l’effet produit sur Sarko comme d’une guigne.
Un parangon de vertu – mon cher ami Eric Besson - “Je connais Bernard Kouchner et je sais que ce n’est pas un homme d’argent.” “S’il l’avait été, il aurait mené une autre carrière. C’est un homme de causes et de missions. Mon présupposé, c’est que c’est un honnête homme.”
Soutien mitigé ? de Patrick Devedjian : “Laissons-lui sa chance. La politique n’est pas une religion où l’on brûle les hérétiques. C’est un art très incertain.” Avant lâchage ?
Le plus surprenant, étant que tous reconnaissent n’avoir pas lu le livre… mais n’en donnent pas moins leur avis !
Je ne l’ai pas lu non plus, direz-vous. Il n’est sorti que tout dernièrement. Je ne sais même pas si je le lirais ! Suffisamment gavée par toute cette polémique… J’ai construit mes articles à partir de ce que je connaissais déjà de Bernard Kouchner et de la masse d’articles qui lui ont été consacrés ainsi qu’au livre de Pierre Péan depuis quelques jours.
Ainsi Xavier Bertrand dont on connaît l’intelligence pénétrante ! qui estime qu’«il y a beaucoup d’esprit de revanche» de la part des socialistes. «Je n’ai pas lu ce livre» mais «ce que j’en retiens, ce que je sais, c’est que c’est un livre à charge, très critique»… Les loups hurlent avec les loups ou encore, pur exemple de psittacisme appliqué !
«A charge» !
Simple copié-collé des déclarations de Bernard Kouchner. Son expression favorite ! Il l’utilisait déjà s’agissant d’un reportage sur France 24… Chaîne de l’audiovisuel public chapeautée par la «Reine Christine»… Encore le «mélange des genres» : il réussit, par son entremise, à avoir la peau d’Ulysse Gosset, journaliste l’origine de ce crime de lèse Kouchner !
Parmi les hagiographes, impossible de ne pas mentionner le biographe «officiel» de Bernard Kouchner… Michel-Antoine Burnier - ami de Kouchner depuis 1964 et l’Union des étudiants communistes - auteur d’une biographie de plus de 500 pages «Les 7 vies du Dr Kouchner» (Ed. XO). Il pourra en rajouter une 8e : celle d’après l’affront fait à son grand homme !
Burnier pour qui, si l’ouvrage de Péan n’apparaît pas comme un règlement de compte, il charrie en revanche, de par ses accusations de «cosmopolitisme» et «d’affairisme», «des relents nauséabonds»… Bref, à mots couverts il fait un procès en antisémitisme à Pierre Péan. Reprenant ainsi l’antienne favorite – mais totalement fausse comme je l’ai démontrée par ailleurs - de Bernard Kouchner…
Bernard Kouchner ne veut pas que l’on s’attaquât à sa femme… «Je veux bien que l’on parle politique, mais je ne veux pas qu’on calomnie ni ma femme, ni moi, ni ce que j’ai fait dans la vie. Ca, c’est honteux»…
Encore faudrait-il qu’il y ait calomnie !
En l’espèce, il s’agissait d’une question – légitime - du Figaro : Que répondez-vous aux accusations de conflit d’intérêt liées à la nomination de votre épouse Christine Ockrent à la tête de l’audiovisuel extérieur ?
La réponse fut au-dessous de tout et totalement à côté de la plaque : «Je comprends que l’on puisse avoir une certaine jalousie à l’égard des journalistes de talent»… J’en resterai là».
Il vaut mieux ! Je constate qu’à l’égard de Christine Ockrent comme de lui même, Bernard Kouchner incrimine souvent la jalousie. Tellement fastoche ! «Selon lui, le motif est «la jalousie». «Dans certains cercles, on n’aime pas la réussite». Il estime que la sienne agace autant à droite qu’à gauche».
Journaliste de talent… Il paraît que les journalistes de l’Huma s’en étranglent encore !
Elle le fut sans nul doute à une certaine époque… Si elle veut échapper aux critiques qu’elle redevienne une journaliste «de référence» plutôt que de «révérence» devant le pouvoir. Et si elle ne le peut qu’elle en tire les conclusions nécessaires en démissionnant.
Elle ne fait qu’obéir aux dictats de Nicolas Sarkozy en matière de politique audio-visuelle en direction de l’étranger – il suffit de penser au véritable saccage de RFI, sans oublier l’arrêt des émissions en ondes moyennes en direction de la Russie - et demain la Chine s’il faut plier aux exigences des dictateurs du «Pire du Milieu» ?
C’est bien ainsi que l’on fait progresser dans le monde la démocratie et les droits de l’homme, si chers à Bernard Kouchner qu’il n’hésite plus à les fouler aux pieds au nom de la «real-politic»…
Il n’est guère surprenant que plusieurs articles du Monde – y compris l’éditorial – soient farouchement hostiles à Pierre Péan… Qui avait commis, avec Philippe Cohen, il y a quelques années un livre particulièrement hostile à l’équipe dirigeante - Alain Minc, Jean-Marie Colombani et Edwy Plenel - «La face cachée du Monde» que j’avais lu à sa sortie, trouvé intéressant et les critiques en général fondées…
J’ai été plus que contente de voir SarKolombani et Minc prendre le large ! Je serais sans doute moins sévère à l’égard de Plenel… Hervé Gattegno a pris le même chemin et je l’ai vu partir lui aussi sans regret… Dans le genre petit Ayatollah du politiquement correct, on ne faisait guère mieux.
Ce n’est sans doute pas le premier livre critique sur le Monde (j’ai lu mais oublié les titres des autres, y compris anciens trouvés au hasard des brocantes) mais je remarque qu’à chaque fois la direction et la rédaction font une sorte de crispation nerveuse !
La rancune est particulièrement tenace à l’égard de Pierre Péan.
A l’en croire, Bernard Kouchner serait la cible «d’une entreprise de déstabilisation, évidemment politique mais aussi éditoriale : l’auteur est coutumier du fait» (…) C’est un livre calomnieux»…
Encore faudrait-il pour parler de calomnie que Bernard Kouchner prouvât que les faits rapportés par Pierre Péan sont mensongers… la calomnie – accusation menson-gère qui attaque la réputation – est en cela différente de la diffamation qui vise à porter atteinte à l’honneur ou la réputation sans qu’il y ait pour autant mensonge.
Les hommes politiques qui aiment tant paraître sous les feux des projecteurs voudraient que seul leur «meilleur profil» soit vu du public.
Mais pas de chance ! Un des meilleurs aspects de cette «société de l’information» où les infos circulent très vite et aujourd’hui le plus souvent en dehors des canaux habituels (télés, radios et agences de presse) est qu’il est de plus en plus difficile de cacher les choses très longtemps…
Si cela n’avait été le livre de Pierre Péan, nul doute que l’info eût filtré d’une manière ou d’une autre, au hasard de quelque site ou blog.
Selon Bernard Kouchner, certains «réseaux» - cela fait très 5è colonne ! – le détesteraient au premier rang desquels, certainement «les nostalgiques des années 30 et 40 et tous les révisionnistes, ceux d’hier et ceux qui, aujourd’hui, réécrivent l’histoire du génocide tutsi au Rwanda.». Année 30 et 40 (…) Lorsque je lis des phrases sur la «contre-France», je pense immédia-tement à l’«anti-France» et cela me rappelle de façon répugnante une autre époque. Quand je suis accusé de «cosmopolitisme», j’y vois la même origine…».
On connaît déjà la chanson, «n» repetitas. Ça en devient lassant.
«Il y a des raisons évidentes qu’il faut additionner. La première, c’est la jalousie de tous ceux qui pensent que je suis illégitime. (?) La deuxième, certains pensent à gauche que je les ai abandonnés et certains à droite ne m’aiment pas parce que je ne suis pas de leur camp. Je suis un signe d’ouverture qui doit gêner des gens. Dans cette situation, servir son pays est un peu difficile. Je suis fier de servir mon pays et la politique extérieure définie par le président de la République».
En dernière analyse, il semblerait bien que Bernard Kouchner n’ait pas que des amis à l’Elysée… Pierre Péan aurait disposé de certains renseignements venant directement du «Château».
Enfin, Bernard Kouchner s’étonnait n’avoir pas été contacté ni entendu par Pierre Péan avant qu’il n’écrivît son livre. Je suis toujours étonnée par ces «biographies» officielles, autorisées, etc… comme s’il était interdit d’écrire quoique ce soit sur une personne connue sans son autorisation.
Ce fut la mode également à une époque récente d’interviews relues… Bonjour la spontanéité ! Histoire de rattraper les boulettes ?
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SOURCES
En Afrique, l’image du “French doctor” a favorisé les activités de la société Imeda dans plusieurs paysLE MONDE | 05.02.09 ©
LE MONDE | 04.02.09 ©
LE MONDE | 05.02.09 ©
LE MONDE | 05.02.09 ©
LE MONDE | 05.02.09 ©
LEMONDE.FR | 04.02.09 ©
20 minutes
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Qui a dit: «Bernard Kouchner est un homme honnête, il l’a montré toute sa vie»?
Qui a dit: «Bernard Kouchner est un honnête homme» (2)?
Challenges
La photo qui contredit Bernard Kouchner
Le Figaro
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Bernard Kouchner : pourquoi on veut m’abattre
L’Humanité
Le cas Bernard K au fil des médias et de l’humanitaire
Libération
Polémique autour du livre sur Bernard Kouchner
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L’affaire Kouchner tracasse les députés
Les petites affaires étrangères du consultant Kouchner
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Marianne
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