L’honneur perdu du bon docteur Bernard K. (2) La «FrançAfric»

Publié le 09 février 2009 par Kamizole

Bernard Kouchner se défend d’être un «homme d’argent» !

Ce qui me fait doucement rigoler. Qu’il ait pu exercer dans le passé des activités totalement bénévoles ne fait aucun doute. Et c’est tout à son honneur. Mais ses activités de conseil ne sont pas, à ma connaissance, bénévoles… et plutôt grassement rétribuées. Il se plait à avancer pour sa défense qu’il ne gagnait que… «Sur trois ans de travail, j’ai gagné un peu moins de 6.000 euros par mois après impôts».

Laquelle somme s’ajoutait bien évidemment à sa retraite de ministre qui ne doit pas être du même tonneau que la mienne (900 euros) ni encore moins du «minimum vieillesse» (633 euros depuis le 1er septembre 2008). Je pense qu’il doit en outre percevoir d’autres retraites au titre des différentes activités professionnelles qu’il a pu exercer par ailleurs, ainsi qu’une retraite de député européen (1994-1997). Bref : il n’est pas à plaindre !

Certes, ces activités n’ont en soi rien d’illégal. Et comme il se défend, disant avoir «toujours agi dans la légalité et la transparence, déclaré mes revenus, payé mes impôts»… encore heureux !

Néanmoins, Pierre Péan lui reproche – entre autres choses – d’avoir pratiqué le «mélange des genres» en acceptant de travailler pour des dictateurs africains, Omar Bongo au Gabon et Denis Sassou Nguesso au Congo-Brazzaville. Deux piliers de la fameuse «FrançAfrique» - notamment sur fond de pétrole ! Total n’est pas loin…

L’on peut sans doute y voir une des raisons de la sanction contre Jean-Marie Bocquel – passé aux Anciens combattants en mars 2008 - ex-secrétaire de la coopération… qui avait affirmé le 15 janvier 2008 vouloir «en finir avec les pratiques et méthodes de la «FrançAfrique» - relation privilégiée mais opaque entre la France et ses ex-colonies – et en signer «l’acte de décès…

Je ne suis sans doute pas la seule à voir dans cette éviction la main de Bernard Kouchner – il aurait demandé sa tête à Nicolas Sarkozy - Bocquel dérangeant tellement ses petits intérêts !

Selon le Figaro : «Aussitôt, deux dirigeants africains, le Gabonais Omar Bongo et le Congolais Denis Sassou-Nguesso, demandent à Nicolas Sarkozy l’éviction de Bockel».

Pour Pierre Péan, ils sont furieux car ils «ont commandé pour près de 4,6 millions d’euros de rapports à Iméda et Africa Steps! Ils en veulent beaucoup à Kouchner d’avoir laissé son secrétaire d’Etat tenir des propos qu’ils considèrent comme désobligeants».

Péan explique alors que, si Nicolas Sarkozy transfère effectivement Jean-Marie Bockel aux Anciens combattants, il est furieux contre Kouchner et marque sa colère en demandant la démission d’Eric Danon, l’ambassadeur de Monaco et ex-associé du ministre.

Voilà qui accréditerait la rumeur selon laquelle nombre d’informations contenues dans le livre de Pierre Péan auraient été fournies par des personnes du «Château» (L’Elysée) et, pourquoi pas ? avec l’aval de Nicolas Sarkozy… Rien d’étonnant quand on connaît sa capacité de rancune – et s’il déteste quelque chose par dessus tout c’est d’avoir la main forcée et devoir réparer les pots cassés ! – et ses nombreuses vengeances.

Le soutien affiché dernièrement par Nicolas Sarkozy ne veut absolument rien dire : on se souviendra que Jean Sarkozy soutenait «à mort» - comme la corde le pendu ! - David Martinon candidat à la candidature pour la Mairie de Neuilly, avant de lui planter un couteau dans le dos, digne fils de son père qui avait également planté le sien entre les deux épaules de Charles Pasqua…

Je suis quasi certaine que désormais les jours de Bernard Kouchner au Quai d’Orsay sont comptés. Sans doute pas dans l’immédiat… Nicolas Sarkozy voudra éviter que l’on puisse faire un rapprochement avec le psychodrame déclenché par le livre de Pierre Péan et laisser supposer qu’il agirait sous la pression des médias et de l’opinion publique. “Laissons-lui sa chance, explique Patrick Devedjian. La politique n’est pas une religion où l’on brûle les hérétiques. C’est un art très incertain.”

Mais j’ai lu à cet égard dans un article du Monde une remarque intéressante d’un conseiller de l’Elysée : “Pour l’instant, on le laisse se défendre. On ne va pas lui jeter la pierre”… Et après ?

Selon Armelle Le Goff (20 minutes) : «Au fond, Kouchner n’y connaîtrait pas grand-chose en diplomatie. Ses contempteurs au ministère en font un «naïf. Instinctif certes, mais pas très malin». Aujourd’hui, la politique extérieure de la France, de toute façon, c’est ‘Elysée et Jean-David Lévitte. Et ce livre sera sans doute un nouveau moyen pour «le château» de mettre le ministre et le Quai d’Orsay sous cloche».

Le plus marrant de l’histoire étant sans doute que dans l’hypothèse du départ de Bernard Kouchner du Quai d’Orsay, le nom d’Hubert Védrine recommence à circuler : il avait été pressenti par Nicolas Sarkozy en 2007 et je me demande dans quelle mesure Kouchner n’a pas été un «second choix» après que Védrine eût décliné la proposition…

Mais outre qu’Hubert Védrine ne partage absolument pas ce qu’il dénonce comme «l’occidentalisme» de Bernard Kouchner - donc une vision «néoconservatrice» très proche de celle de Nicolas Sarkozy - je ne saurais dire s’il accepterait de jouer les «seconds couteaux» au ministère des Affaires étrangères cependant qu’un ministre des Affaires étrangères «bis» déciderait de tout à l’Elysée…

Sans doute sous la Ve République la politique étrangère a-t-elle été toujours considérée dans la pratique – sans que ce soit nullement inscrit dans la Constitution -comme le «domaine réservé» du chef de l’Etat. Mais il y a quand même des limites à l’interventionnisme permanent du Président de la République dans tous les domaines de l’activité gouvernementale.

J’ai toujours eu beaucoup d’estime pour Hubert Védrine, homme intelligent et pondéré, n’ayant nul besoin de «se mettre en avant» pour exister, son autorité et sa prestance naturelles suffisant à s’imposer sans nul besoin d’artifices et de gesticulations. Je trouverais très dommage qu’il les mît au service d’un Nicolas Sarkozy qui n’a que faire des vrais talents.

A l’époque de l’éviction de Jean-Marie Bocquel, je n’ai pu m’empêcher de penser à Jean-Pierre Cot, ministre de la Coopération de François Mitterrand en 1981… «obligé» ? de démissionner en 1982 car totalement en désaccord avec la «politique africaine» de la France… «FrançAfric» avant la lettre ! Laquelle consistait – déjà ! – à subventionner les pays «amis» d’Afrique, parmi les ex-colonies françaises : les ex «réseaux-Foccart» - «Monsieur Afrique» du Général de Gaulle et Georges Pompidou…

Petite ironie de l’Histoire : Jean-Pierre Cot fut remplacé à ce poste par Christian Nucci… Ce nom ne dira sans doute rien au moins de 40 ans. Mais il fut, avec son compère Yves Chalier l’artisan du «Carrefour du développe-ment» association à l’origine d’un scandale reten-tissant : 27 millions de francs détournés entre 1984 et 1986… Yves Chalier s’enfuit à Rio de Janeiro à la faveur d’un «vrai-faux-passeport» délivré par les services de Charles Pasqua, devenu ministre de l’Intérieur du gouvernement Chirac après les élections de mars 1986 - première «cohabitation».

On prête à Jacques Foccart beaucoup d’entregent dans les nombreux coups d’Etat qu’ont connu les pays africains après la décolonisation. Y compris la sécession suivie de la «guerre du Biafra» - mai 1967-janvier 1970 - qui vit l’engagement de Bernard Kouchner (parti avec la Croix-Rouge) suivi de la création de «Médecins sans frontières»

Le “généreux Kouchner” est aujourd’hui bien loin de l’activité de mon amie Marcelle Talbot – connue grâce à Amitiés sans frontières – infirmière canadienne arrivée en Afrique à la même époque et qui vécut fort longtemps au Niger (au point d’en adopter la nationalité) où elle fonda Banituri, coopérative de médicaments naturels inspirés des remèdes traditionnels. Travaillant le plus souvent sans salaire !

Je n’ai plus de nouvelles actuellement mais après quelques recherches, il semble qu’elle soit rentrée définitivement au Canada, après une très mauvaise surprise… au retour d’une absence assez longue - ses premières vacances depuis je ne sais combien d’années - elle se vit éjectée de Banituri par un administrateur néerlandais et les finances de la coopérative complètement dilapidées !

«A aucun moment au Gabon ou ailleurs je ne me suis servi de mes fonctions ministérielles» à des fins privées a affirmé Bernard Kouchner en réponse à une question du député socialiste Jean Glavany.

Sans doute. Mais Bernard Kouchner n’a nullement été recruté par Omar Bongo pour ses seules compétences en matière de santé publique : tout simplement en raison de l’influence politique qu’il est susceptible d’exercer, et son «carnet d’adresses».

«Quand Omar Bongo commande une étude à Imeda qui emploie Bernard Kouchner, ce n’est pas pour réformer son système de santé mais bien pour miser sur un homme politique français. Même s’il n’y a rien à dire sur les contrats, cela engendre un type de relations qui peuvent être dangereuses pour le ministre. On n’est plus dans des relations d’Etat à Etat» analyse Antoine Glaser, auteur de «Sarko en Afrique» (Ed. Plon) et directeur de «La Lettre du continent». Cité par Armelle Le Goff dans un de ses articles parus dans 20 minutes et dont je ne peux que recommander la lecture pour la pertinence des analyses qu’elle y développe.

Même son de cloche dans Libération : «La commande d’un rapport à une personnalité politique française n’a pas d’importance aux yeux d’un Omar Bongo» tranche Vincent Hugeux, auteur des “Sorciers blancs” (Fayard), une enquête sur les réseaux françafricains. «C’est avant tout un placement pour l’avenir». De fait, le président gabonais a toujours su se montrer généreux, à droite comme à gauche. En échange, le soutien des gouvernements français ne lui a jamais fait défaut depuis qu’il est au pouvoir».

«C’était un investissement ! Kouchner : une star ! » raconte une des personnes impliquées de près dans le «dispositif» - entendre les deux sociétés dirigées par ses amis : Eric Danon pour Imeda et Jacques Baudouin pour Africa Steps, lesquelles sociétés sont d’ailleurs fort imbriquées l’un dans l’autre, Eric Danon étant gérant d’Imeda et salarié d’Africa Steps alors que Jacques Baudouin est gérant d’Africa Steps… quel sac de nœuds ! - Ces propos sont rapportés dans le Monde par Nathalie Nougayrède.

Si à l’évidence Bernard Kouchner n’a rien commis d’illégal, il n’en est absolument pas de même pour Eric Danon, dans la mesure où – diplomate de carrière – il avait été réintégré à sa demande dans ce corps pour être nommé ambassadeur à Monaco avant d’être écarté de ce poste par Nicolas Sarkozy, en représailles contre l’affaire Bocquel. Il est actuellement ambassadeur à Genève auprès de la Conférence sur le désarmement.

Le Comité d’éthique du Quai d’Orsay est saisi de son cas : alors qu’il était déjà en poste, il aurait réclamé par fax – en août et septembre 2007 - aux autorités gabonaises le règlement des sommes restant dues à Imeda. Ce qui semble plutôt incompatible avec la fonction diplomatique…

L’article de Nathalie Nougayrède est d’ailleurs fort intéressant à cet égard. Elle montre bien que dans un premier temps, Bernard Kouchner et ses amis ont voulu faire une sorte de «grand ménage» : «Il faut “liquider” tout lien direct entre le futur cabinet ministériel - où entre Jacques Baudouin - et les opérations africaines. S’abriter de tous reproches potentiels, être “clean”»

Las ! car en même temps, Bernard Kouchner tient aussi à ce que l’action entreprise en Afrique, dont il est fier, ne soit pas abandonnée. La gérance d’Africa Steps, comme celle d’Imeda, est reprise par Eric Danon, avant qu’il n’obtienne le poste d’ambassadeur à Monaco.

J’ai beaucoup de mal à comprendre qu’un homme a priori intelligent et qui semblait conscient des risques – au moins moraux – ait accepté de laisser la gérance d’Imeda à Eric Danon qui lui était proche et voulait de surcroît réintégrer le corps diplomatique, alors que vraisemblablement pour éviter le scandale qui éclate aujourd’hui il eût été bien plus simple de nommer une autre personne de confiance à la gérance des deux sociétés. Laquelle aurait pu faire les démarches auprès des autorités gabonaises pour récupérer les sommes dues sans que cela paraisse pour le moins fort inconvenant.

Il restera d’ailleurs à démontrer – vraies preuves à l’appui ! – que l’activité de Bernard Kouchner pour instaurer une sécurité sociale et améliorer la santé publique au Gabon ait été suivie du succès dont il se targue, «La moitié de la population du Gabon étant des indigents, privés de la possibilité d’aller se faire soigner à l’hôpital, j’ai aidé avec d’autres experts à faciliter leur accès au système de santé». idem pour le Congo-Brazzaville. D’après certains articles que j’ai dépouillés, il semble bien que ce soit loin d’être le cas !

Au demeurant, si le système de santé était devenu si merveilleux, pourquoi serait-ce précisément au Gabon – à cause du pétrole, très certainement - que les Chinois ont massivement investi dans des infrastructures hospitalières ? Construites par des ouvriers chinois et dont le personnel est entièrement… chinois ! ils ne parlent ni le français – langue officielle du Gabon - ni aucune des langues bantoues, dont le Feng parlé par plus de 30 % de la population.

Rien d’illégal dans les activités de Bernard Kouchner en Afrique, sans doute… si ce n’est un petit accroc : Bernard Kouchner est depuis 2002 également président du groupement d’intérêt public Esther, qui a pour vocation la mise en place de réseaux nord-sud de santé publique et la coopération internationale hospitalière.

L’ancien fondateur de Médecins sans frontières avait été nommé à ce poste en novembre 2003 par le Premier ministre de l’époque, Jean-Pierre Raffarin, et «Esther bénéficiait de fonds importants alloués par le gouvernement français».

«J’ai été nommé à la tête d’Esther par Jean-Pierre Raffarin mais c’est moi-même qui ai fondé cette structure destinée à jumeler des hôpitaux européens et africains, plus de cinquante, et à former des personnels de santé en Afrique, plus de deux mille. J’en ai été le président bénévole. Esther était dirigé par un conseil d’administration au sein duquel les ministères et les ONG était représentés et qui décidait des pays dans lesquels intervenir».

Autrement dit - bénévole au sein d’Esther - il a perçu pour son travail de consultant rétribué par Imeda et Africa Steps des sommes non négligeables pour une activité qui risquait pour le moins de faire double emploi avec celle qu’il menait – en parallèle - au sein d’Esther, structure officielle et publique. Il s’agit bien là d’un regrettable exemple de «confusion des genres» d’autant que les dirigeants pour lesquels il travaillait – Omar Bongo et Denis Sassou-Nguesso – ne sont guère connus pour respecter les droits de l’homme ! «fonds de commerce» de Bernard Kouchner depuis des décennies… en oubliant toutefois le rapport fait pour Total en Birmanie… C’est le «premier accroc qui coûte» ! : 200 francs selon Elsa Triolet…

Je veux bien admettre que le Conseil d’administration choisissait les pays et les interventions. Mais quelle était la part de Bernard Kouchner dans ces décisions ? N’était-il pas susceptible de les orienter en fonction des intérêts des sociétés pour lesquelles il travaillait ?

Je lis par ailleurs que Bernard Kouchner – bon petit «VRP» d’Imeda et Africa Steps ! -a effectué beaucoup de voyages en Afrique, non seulement au Gabon et au Congo-Brazzaville mais grosso modo dans l’ensemble des pays de l’Afrique sub-saharienne pour convaincre les dirigeants d’utiliser les services de ces deux sociétés… La liste est fournie : Le Bénin, le Nigeria, le Burkina-Faso et le Niger sont concernés. Il aurait néanmoins évité l’Angola, se souvenant du scandale de «l’Angolagate»

J’ose espérer que tous ces voyages n’ont pas été financés par les deniers d’Esther !

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SOURCES

En Afrique, l’image du “French doctor” a favorisé les activités de la société Imeda dans plusieurs pays
LE MONDE | 05.02.09 ©

20 minutes

Mis en cause, Bernard Kouchner est sommé de s’expliquer
LE MONDE | 04.02.09 © Bernard Kouchner défend son “honneur”
LE MONDE | 05.02.09 © Derrière le scoop, un mélange nauséabond
LE MONDE | 05.02.09 © Le cosmopolite
LE MONDE | 05.02.09 © Kouchner soutenu à droite et ménagé à gauche
LEMONDE.FR | 04.02.09 ©

20 minutes

Kouchner, l’attaque faite à l’icône

Un livre qui découpe le Docteur Kouchner au scalpel

Affaire Kouchner: «Je suis toujours étonné lorsque l’on jette l’opprobre sur un homme politique ou un ministre en exercice»

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Qui a dit: «Bernard Kouchner est un homme honnête, il l’a montré toute sa vie»?

Qui a dit: «Bernard Kouchner est un honnête homme» (2)?

Challenges

La photo qui contredit Bernard Kouchner

Le Figaro

Bernard Kouchner mis en cause dans un livre

Bernard Kouchner : pourquoi on veut m’abattre

L’Humanité

Le cas Bernard K au fil des médias et de l’humanitaire

Libération

Polémique autour du livre sur Bernard Kouchner

Kouchner: attaques, embarras, soutiens… à droite comme à gauche

L’affaire Kouchner tracasse les députés

Les petites affaires étrangères du consultant Kouchner

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Marianne

Ce qu’a vraiment écrit Pierre Péan