Olusegun Sotola, le 9 février 2008 - Depuis Septembre 2008, le monde est en proie à une crise financière qui a éclipsé les deux précédentes crises alimentaire et pétrolière. Selon la Banque mondiale, la projection de croissance du PIB dans les économies en développement pour 2009 sera probablement de 4,5% au lieu de 6.4% prévu précédemment. Cela démontre la possibilité de contagion de la crise en cours. La capacité l'économie africaine à en absorber les effets est loin d'être évidente. Comment le continent sera-t-il affecté par la crise et comment pourrait-il s’en sortir ?< !--break-->
Il y aura à la fois des effets directs et indirects : les premiers seront minimes, tandis que les seconds seront colossaux. L'économie locale sera directement affectée en fonction du niveau du capital provenant de l'étranger. D’ailleurs des fuites de capitaux ont déjà été signalées dans certains marchés émergents et des introductions en bourse (IPO) de l’ordre de 30 milliards dollars y ont été annulées en 2008. Cette tendance est déjà perceptible sur les marchés des capitaux africains. Par exemple, au début du mois de Décembre 2008, le principal indice boursier (ASI) au Nigéria avait chuté de moitié en passant de 66.271 à moins de 33.025, correspondant respectivement à 89.2 et à 50.3 milliards de dollars de capitalisation boursière. Bien que cette chute libre de l'ASI soit antérieure à la crise, celle-ci a encore accentué la perte de confiance, ce qui a conduit de nombreux investisseurs à quitter le marché des capitaux même à perte.
L’économie africaine étant relativement monolithique et largement tributaire de l'extraction de ressources naturelles, elle souffrira sans doute de la crise. Les prix des ressources naturelles sont en diminution en raison d’une demande décroissante. Les prix du pétrole, par exemple, sont passés en dessous de 40$ et continuent à baisser. Sur le marché du platine, Lonmin Plc, un acteur majeur en Afrique, a mis en garde contre de possibles licenciements de personnel en raison de baisse de la demande et des prix du métal. AngloGold Ashanti (troisième plus grand producteur d'or dans le monde, basé en Afrique du Sud) a prévu de renoncer à certains de ses projets. Ainsi, il révisera ses investissements de 400 millions de dollars cette année. Tout cela créera un effet domino à travers l'ensemble du continent.
A mesure que les pays développés entrent en récession, les prêts et les subventions, constituant une importante partie des budgets de développement national, vont baisser. De même, il y aura une baisse des transferts des expatriés qui au fil des ans, sont devenus une source importante de recettes en devises pour les pays africains. Les recettes du tourisme chuteront également. Plusieurs pays africains connaissent des déséquilibres macroéconomiques. Cela soulève des craintes palpables que cette crise se termine par une tragédie humaine. On estime à 100 millions le nombre de personnes qui ont été poussés dans l’extrême pauvreté par les prix élevés des produits alimentaires et du pétrole. D’autres personnes viendront gonfler ce nombre à mesure que les taux de croissance déclineront.
L'inquiétude concernant la sécurité des réserves africaines à l’étranger est légitime en gardant à l'esprit que ces réserves sont domiciliées dans des banques qui ont fait faillite.
Entre le 10 Septembre et le 1 Octobre 2008, le Nigéria a perdu environ 1.5 milliard $ puisque ses réserves sont passées de 63.5 milliards $ à 61.99 milliards $. Récemment, elles ont baissé pour atteindre 55.254 milliards $ et il n'y a aucun signe que cette dégringolade cessera bientôt. Quant à la monnaie nationale (naira), elle a poursuivi sa chute libre sur le marché des changes.
Les problèmes de croissance en Afrique étant presque insolubles, ils se compliqueront davantage si la réponse des dirigeants à la crise financière mondiale reste tiède. La première chose à l'ordre du jour est l'amélioration de l'environnement réglementaire, en particulier la régulation monétaire. À cet égard, L’Etat en Afrique devrait en finir avec les politiques restrictives et créer un environnement favorable à l'entrepreneuriat. Un nombre important d'entreprises en Afrique sont informelles. Elles ont été contraintes de le devenir à cause de procédures administratives frustrantes. Les encourager à passer à la formalité en éliminant les barrières à l'entrée favorisera leur développement.
L'intervention directe l’Etat pourrait créer de plus grands problèmes à long terme. A titre d’exemple, la tendance à la baisse sur le marché des capitaux au Nigéria s’aggrave en dépit des interventions répétées de la Banque centrale. Le volume des transactions a chuté en passant de 69 à 18.6 millions $. Par ailleurs, les Etats ne sont pas toujours performants en matière d’allocation des ressources. Très souvent, la répartition des revenus est fondée sur la corruption, et autres critères peu pertinents. L'économie se développe quand des entrepreneurs novateurs répondent aux signaux du marché. Les Etats feraient mieux de supprimer les taxes et réglementations, prohibitives et excessives, qui faussent ces signaux.
L’Afrique dispose de nombreuses ressources inexploitées et de terres arables pour étendre ses exportations de base. Ce dont a besoin le continent, ce sont des règles claires favorables aux entreprises qui à leur tour permettront l’épanouissement des compétences entrepreneuriales innées africaines.
Olusegun Sotola est chercheur à l'Initiative pour l'Analyse des Politiques Publiques, un think-tank de politique publique basé à Lagos, au Nigéria. Cet article a paru dans une version plus longue sur africanexecutive.com