Trois ombres, Cyril Pedrosa
"Joachim vit paisiblement à l’écart du monde avec ses parents. Mais un
soir, ne parvenant pas à trouver le sommeil, ils remarquent des ombres
qui semblent les attendre sur la colline en face… Ces dernières
apparaissent sous la forme de trois cavaliers et s’évanouissent dès que
l’on s’en approche. Ces "choses" sont là pour Joachim. Son père
aura-t-il raison de se battre contre l’inéluctable ?"
"Trois ombres est un livre admirable. Un conte qui fascine, qui
happe dès les premières pages. Son ouverture – au sens d’introduction –
est une invitation à s’échapper, à plonger hors du temps. Les sept
premières pages – l’album en compte 268 ! – invitent au bonheur, à
partager celui de cette petite famille. La stylisation des paysages est
un enchantement, avec leurs arbres inouïs, leurs herbes folles et
libres, leurs nuages propices à la contemplation. En sept pages, Cyril
Pedrosa réussit à montrer le quotidien de ses personnages quelques
saisons durant et à projeter le lecteur ailleurs, au point de lui faire
ressentir une pointe de jalousie de ne pas pouvoir jouir lui aussi de
cette vie idéale. Sept pages goûtées avec délectation, lentement, pour
profiter de chaque détail, pour s’amuser des attitudes du petit
bonhomme, pour s’attacher à ses parents qui lui font une vie de rêve
(et peut-être aussi pour jauger son propre comportement dans l’exercice
de ce rôle). A moins qu’on étire ce moment dans la crainte de ce qui va
suivre.
« …et puis tout a changé ».
Le rythme s’accélère. La crainte, puis la peur s’invitent. L’heure
n’est pas aux certitudes, tout juste aux pressentiments. A moins que ce
ne soit une manière de se voiler la face. Dans ces moments-là, les
mamans sont plus lucides que leurs époux. L’instinct, dit-on. Les pères
se maîtrisent moins. Dussent-ils être dotés de physiques de colosses.
La force ne change rien à l’affaire, puisque ce n’est pas sur ce
terrain que la partie se joue. Et là, force est de reconnaître que les
parents n’ont plus les cartes en main.
Cyril Pedrosa a su aborder ce sujet avec pudeur, créant un conte
intemporel, en jouant avec les codes et la dimension pédagogique qui
leur sont propres. Son dessin, qui emprunte à différents registres et
techniques pour jouer sur les émotions, est un ravissement de tous les
instants. De ces traits fragiles à ces contours épais pour un même
personnage selon les situations, de ces paysages lumineux à ces
endroits plongés dans les ténèbres (ah ces forêts !), de ces visages
ravagés par le trouble restitués dans leurs moindres détails à ces jeux
d’ombres chinoises non moins signifiants, la palette est large, riche
et le résultat subjuguant." L.Cirade, BD Gest.
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