Daniil Harms

Par Florence Trocmé

Daniil Harms est né Iouvatchov, le 30 décembre 1905 à Pétersbourg. Son père, membre du groupe Narodnaïa Volia (« Volonté du peuple ») sous le tsarisme, a passé une partie de sa vie emprisonné ou exilé en Sibérie. Sa mère, Nadejda Kolioubakina, dirigeait un refuge pour anciennes détenues.
Il est entré très jeune en littérature, en lisant ses poèmes dans des clubs, poèmes qui se rattachent au dadaïsme russe, dans la lignée de Vélimir Khlebnikov et d’Alekséï Kroutchonykh. pour qui le non-sens et l’insensé étaient considérés comme un acte de libération. Il est en 1927 un des créateurs de l’Association pour un Art Réel, l’OBÉRIOU, tentative pour rassembler des forces d’avant-garde avant la mise au pas définitive en 1932 : le parti communiste interdira alors toute autre organisation que l’Union des Écrivains. Comme d’autres poètes (Aleksandr Vvédienski, Nikolaï Oléïnikov, Igor Bakhtérev), il écrira « pour le tiroir » et seuls deux poèmes de lui sont publiés de son vivant. Ses œuvres circulent sous formes de manuscrits, mais sont aussi lues, jouées, chantées. En 1929, il est exclu de l’Union des Poètes en même temps que Ossip Mandelstam et Aleksandr ; en 1930, il est attaqué dans la presse comme « ennemi de classe » puis, en décembre 1931, il est dénoncé, avec Vvédienski, comme opposant à l’édification du socialisme. Ils sont arrêtés un peu plus tard et condamnés à l’exil. Daniil Harms vit en écrivant des histoires pour les enfants mais, en 1937, dans une de ces histoires, il raconte qu’un jour, un homme sort de chez lui et disparaît... À la suite de cette histoire, au sens transparent, il ne sera plus publié et connaît de terribles problèmes matériels dont on trouve l’écho dans son Journal.
Il est arrêté en 1941 et meurt en détention psychiatrique le 2 février 1942. La plus grande partie de ses manuscrits est récupérée par sa femme, Marina Malitch, et Iakov Drouskine qui les conserve précieusement.
Daniil Harms est réhabilité en 1956. Frappé d’interdit, il n’aura pas eu le temps de se faire connaître, pas plus en Russie qu’en Occident, contrairement à Mandelstam ou Akhmatova. Il n’a commencé à être apprécié en Russie, à partir des années 1960, que comme écrivain pour enfants avant d’être reconnu comme un écrivain majeur, d’abord par les biais des samizdat dans les années 1970-1980.

Bibliographie
Sonner et voler [poèmes], traduit du russe et préfacé par Gleb Urman,
Gallimard, 1976.
Écrits, publ., préf. et trad. du russe par Jean-Philippe Jaccard ; notes et chronologie établies par Jean-Philippe Jaccard, Christian Bourgois, 1993.
Anthologie de textes de l’OBÉRIOU [avec I. Bakhterev, I. Drouskine, L. Lipavski, N. Oleinikov, K. Vaguinov, A. Vvédenski, N. Zabolotski], Christian Bourgois, 1997.
La vieille, suivi de Autobiographie, trad., Victor D, Saint Mont, 2001.
Le tombement, traduit du russe par Jean-Philippe Jaccard, L'Engouletemps, 2005.
Œuvres en prose et en vers, trad. du russe et annot. par Yvan Mignot, préf. de Mikhaïl Iampolski, Verdier, 2005.
Incidents et autres proses, choix, traduction et postface de Henri Abril, Circé, 2006.
•Livres pour enfants :
Premièrement, deuxièmement, trad. du russe par Colette Stoianov ; ill. de Marc Rosenthal, l'Ecole des loisirs, 1996.
Un tigre dans la rue, textes extraits de l'œuvre de Daniil Harms, trad. du russe par Catherine Eltchaninoff-Lancelot, ill. par Stéphanie Dallé-Asté, éditions Points de suspension, 1997.

Sur internet :
On consultera l’article très documenté sur le site des éditions Verdier :

Contribution de Tristan Hordé