Anthologie permanente : Daniil Harms

Par Florence Trocmé

Je ne sais pourquoi les routes
détachées de la terre
jouent avec les oiseaux
les branches vétustes du vent
agitent les petits paniers cousus par les piverts
les piverts courent sur les troncs
ils tiennent à la main de petits crayons.
une bouteille jaillit d’un trou d’arbre
oriente son vol vers le lac
pour se remplir d’eau.
Le chêne se réjouit
quand dans son cœur
on met un cœur à eau.
Je suis passé près de deux pigeons
les pigeons battaient des ailes
pour effrayer un renard
qui de ses pattes acérées
mangeait les petits des pigeons.
J’ai levé mon cahier, l’ai ouvert
et ai lu les dix-sept mots
que j’avais écrits la veille,
les pigeons s’envolèrent aussitôt,
le renard devint une petite boîte d’allumettes
Et moi j’étais extrêmement joyeux.

  (mars-mai 1931)

La fin est là. La force s’est éteinte
La tombe m’appelle à elle.
Mon cœur bat de plus en plus doucement.
Comme une nuée noire la mort avance sur moi
Et dans le ciel la lumière du soleil s’éteint.
Je vois la mort. Impossible de vivre.
Terre adieu ! Adieu Terre !

Et la trace de vie soudain est perdue.

   (1937-1938)

Daniil Harms, Œuvres en prose et en vers, traduit du russe et annoté par Yvan Mignot, préface de Mikhaïl Iampolski, éditions Verdier, 2005, p. 428-429 et 781.

Contribution de Tristan Hordé