Pour une poignée de fidèles (150 000) Benoît XVI a porté un bien mauvais coup à l’église catholique. Sa décision de lever le 24 janvier dernier l’excommunication de quatre évêques de la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X, ordonnés par Mgr Marcel Lefebvre en 1988, n’est pas le fruit du hasard. Au cœur du sérail depuis de nombreuses années, Benoit XVI ne pouvait, comme il l’affirme, ne pas être au courant des odeurs de souffre qui entourent Mgr Williamson. Deux jours avant le décret pontifical, Richard Williamson avait déclaré à une télévision suédoise: “Je crois qu’il n’y a pas eu de chambres à gaz (…) Je pense que 200.000 à 300.000 Juifs ont péri dans les camps de concentration mais pas un seul dans les chambres à gaz”.
A 67 ans, Williamson reste droit dans sa mitre. Négationniste, il est. Négationniste il restera. Dans un entretien publié ce jour par l’hebdomadaire allemand Der Spiegel, mais en ligne depuis samedi, l’évêque passe outre l’injonction du Vatican lui ordonnant de clarifier ses positions pour, à l’inverse, réaffirmer sans ambiguïté sa position négationniste. “Si je trouve des preuves il est question de preuves historiques, pas d’émotions, je reviendrai sur mes propos. Mais tout cela prendra du temps. Toute ma vie, j’ai toujours cherché la vérité. Je suis convaincu de la justesse de mes déclarations sur la base de mes recherches dans les années 1980.”
Reste à Benoit XVI à boire le calice jusqu’à la lie. C’est jusqu’à présent d’Allemagne d’où le Pape est originaire, que les décisions les plus vives sont venues. Ce week-end, la chancelière allemande a souhaité s’entretenir du sujet avec Benoit XVI par téléphone. Un communiqué commun de Berlin et du Saint-Siège évoque “une conversation cordiale et constructive, marquée par leur reconnaissance profonde et partagée de la leçon de la Shoah”.
Tous deux ont affirmé que la “Shoah représente un avertissement pour l’humanité”. Une grande partie des catholiques attend pourtant une réaction à la hauteur du trouble suscité.
Hier, le président de la Conférence des évêques allemands, Robert Zollitsch, a prôné d’exclure Williamson de l’Eglise. “Monsieur Williamson est impossible et irresponsable. Je ne vois aucune place pour lui au sein de l’Eglise catholique.” Le cas Williamson dépasse désormais la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X. Mgr Bernard Fellay, successeur de Mgr Lefebvre, a demandé “pardon” au pape pour les propos tenus et interdit à son évêque toute prise de parole en public sur des questions politiques ou historiques. “Les affirmations de Mgr Williamson ne reflètent aucunement la position de notre congrégation”, a ajouté de son côté le père Bouchacourt le supérieur du district Amérique du sud de la Fraternité qui a annoncé dans le même communiqué que Williamson était démis de ses fonctions de directeur du séminaire argentin de la Reja.
Lâché par les siens, on ne voit pas ce qui devrait, en toute logique, s’opposer à l’exclusion de l’église de Williamson. La balle est revenue du côté du Vatican mais, la main de Benoît XVI semble trembler au moment de prendre une décision largement attendue.
En conclusion de son entretien avec Der Spiegel, construit en fait sur un échange de mails, Williamson fait part de son étonnement face à l’ampleur de la polémique suscitée par ses déclarations. “Je suis seulement l’instrument avec lequel certains veulent agir contre le pape”, estime-t-il avant d’ajouter “Visiblement, le catholicisme de gauche n’a pas encore pardonné le fait que Ratzinger soit devenu pape”.
En France, fille aînée de l’église, Nicolas Sarkozy a jugé “choquants” lors de sa prestation tv de jeudi les propos de Richard Williamson. “C’est invraisemblable, choquant et inadmissible qu’il puisse se trouver, au XXIe siècle, quelqu’un qui ose contester les chambres à gaz, la Shoah, le martyr des juifs, c’est inadmissible”. Pour autant, à la différence d’Angela Merkel le président de la république s’est refusé à commenter la décision du pape de lever son excommunication.
Figure morale reconnue l’ancien garde des sceaux socialiste de la Justice, Robert Badinter, a qualifié le 2 février sur Europe 1 puis ce week-end sur France 5 (Ripostes) de “blessure profonde” pour les juifs, la décision du pape de réintégrer dans l’Eglise catholique l’évêque intégriste anglais.”C’est une décision qui blesse profondément un grand nombre de juifs et, au-delà des juifs, de consciences, notamment chez les catholiques”. “Il faut mesurer ce que cela signifie pour des juifs de ma génération. Si négationnisme il y a, alors où sont passés les nôtres ? Mon père, ma grand-mère mes oncles, mes cousins, où sont-ils partis, que sont-ils devenus?”, a-t-il demandé. “Ce sont par millions” que des juifs “sont morts en Europe”, victimes du nazisme.
“Ce que je déplore, c’est que le chef de l’église catholique, qui représente une telle force spirituelle dans le monde, considère qu’on peut réintégrer dans l’église des hommes qui tiennent de tels propos”.
“C’est une blessure faite à tous ceux qui ont connu et qui savent la réalité” a complété le sénateur des Hauts de Seine sur France 5 en faisant remarquer que, nier la shoah c’est considérer que les maigres indemnités allouées aux survivants seraient le fruit d’une escroquerie collective et que l’affirmation de l’existence des chambres à gaz serait une affirmation destinée à permettre la création de l’Etat d’Israël.