temple de Tanjavure, Tamil Nadu, juillet 2008
Ils sont arrivés ensemble ou bien tout seuls.
Certains se hâtent encore, d’autres s’arrêtent déjà. Ils ont du gris au fond
des yeux ou de l’or jusqu’au bord des larmes. Ils chantent devant les statues
ou pleurent dans leur mouchoir. Ils sont voleurs de lait, éleveurs d’escargots,
brodeurs d’étoiles. Ils croient au destin, à la chance, à l’effort. Ils
frissonnent en silence, ils s’étouffent dans de longues phrases. Ils ont l’air
de flotter péniblement au-dessus de leur existence. Ils ont soif et faim. Faim
d’un vrai monde. Tous ont le désir de voir arriver quelque chose, quelque chose
qui les comble et les déchire enfin d’eux-mêmes. Et puisque Dieu lui-même ne
sait pas ce que c’est, on appelle ça l’amour.
[D’après mes notes de voyage du 30 juillet 2008 : (…) Le temple dans le couchant ressemble à un immense château délabré. Tout autour les gens vont et viennent en mouvements ordonnés, dans un flot rythmé par la musique très organique d’un orchestre traditionnel. Des familles entières sont venues ici pour prier. Elles s’arrêtent par petits groupes, ferment les yeux en s’agrippant à la statue d’un taureau, joignent leurs mains vers le ciel. Les femmes étouffent parfois quelques larmes, se laissent soudain tomber par terre, trépignent un peu, chantent quelques louanges et retournent se fondre dans la foule. Je vole des photos partout, on dirait qu’ils ne me voient pas (…) ]