François Fillon semble voué à assumer une fonction de Premier Ministre qui a changé de nature avec la présidentialisation accrue du régime.
Les observateurs dénoncent régulièrement l'excessive concentration des pouvoirs dont bénéficierait désormais la fonction présidentielle.
Par les pouvoirs qui lui sont dévolus comme par le jeu de la responsabilité gouvernementale, le Premier Ministre est un rouage essentiel des Institutions de la Vème République.
Or, face à cette réalité institutionnelle, le Premier Ministre semble devenir un simple "Chef d'état major".
L'actuelle situation repose sur 4 fractures et un enterrement.
Première fracture, la présidentialisation du régime de 1958 est incontestable avec l'élection du Président au suffrage universel direct.
Les équilibres institutionnels initiaux ont été modifiés en profondeur. La réduction de la durée du mandat présidentiel est une étape récente qui accentue cette tendance.
L'élection présidentielle fixe l'ensemble du temps politique. La conception initiale du Président "arbitre au-dessus de la mêlée" a vécu.
Le Président est désormais le leader d'une équipe avec qui le pays passe contrat pour mettre en oeuvre le programme qui a recueilli la majorité des suffrages à un moment exceptionnel où la France devient une circonscription unique.
Si la 1ère fracture l'est par rapport à l'équilibre institutionnel de 1958, la seconde est plus spécifique à la présente période. De tous temps, les Premiers Ministres ont été les chefs de la majorité parlementaire. Cette logique permettait de traduire au niveau de la loi les volontés du Président. Lors des périodes de cohabitation, cette qualité résultait de la confiance tirée du scrutin le plus récent à savoir le renouvellement de l'Assemblée Nationale.
Actuellement, le Premier Ministre n'est plus le seul voire même le principal leader de la majorité parlementaire.
La troisième fracture tient dans le nouveau temps électoral entièrement centré sur l'élection présidentielle. Dés que le Président en exercice est partie prenante du prochain scrutin présidentiel, quelle est la marge de manoeuvre du Premier Ministre alors en bute à un double " hors jeu ".
Il affirme, ou laisse affirmer, que le scrutin présidentiel retient son intérêt et alors toutes ses mesures seraient appréciées dans cette perspective avec la création constante de conflits majeurs.
Au contraire, il nie tout intérêt pour le prochain scrutin présidentiel et il perd alors une forte partie de toute autorité car le nouvel équilibre va se construire autour des seuls postulants à la Présidentielle. Dans cette logique, la marge de manoeuvre du Premier Ministre est inexistante.
La quatrième fracture tient à la médiatisation croissante de la vie politique. Matignon est au centre de tous les arbitrages. Dés que son titulaire centralise les pouvoirs, il est exposé chaque jour sur les sujets les plus divers.
Molière disait "un sot qui ne dit mot ne se distingue pas d'un savant qui se tait".
Le problème c'est que le Premier Ministre doit être désormais "un savant" qui doit s'exprimer chaque jour sur les sujets les plus variés et surtout souvent les plus controversés. Il y a là une exposition permanente qui accélère l'usure.
Ce sont là des fractures majeures qui ont fait naître une véritable "nouvelle donne" durable.
Quant à l'enterrement, c'est la faculté d'une cohabitation. La proximité du scrutin législatif semble mécaniquement exclure toute divergence politique entre la majorité présidentielle et la majorité parlementaire. Mais il s'agit là d'une construction intellectuelle qui ne repose sur aucune réalité politique incontournable.
Et si la justification de cette fonction résidait dans la mise en oeuvre d'une telle hypothèse afin d'éviter alors un blocage trop grave ?