Voici deux décisions relatives à des permis modificatifs
La première considère qu'un permis modificatif suffit pour demander l'autorisation d'adjoindre à la construction autorisée à garage, s'agissant d'une modification d'une «ampleur limitée».
La seconde décision juge que lorsque le permis initial est devenu définitif, seuls sont susceptibles d'être invoqués à l'encontre du permis modificatif les vices propres dont il serait entaché.
« Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 18 août 1988, présentée pour M. Robert Y..., demeurant ... et pour Mlle Catherine Z..., demeurant ... ; ils demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement en date du 5 mai 1988 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 29 novembre 1978 par lequel le maire de Carpentras a accordé aux époux X... un permis de construire et des arrêtés modificatifs en date des 27 mars 1979 et 2 décembre 1980 ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Colmou, Maître des requêtes,
- les observations de Me Henry, avocat de M. Y... et de Mlle Z...,
- les conclusions de M. de Froment, Commissaire du gouvernement ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la demande présentée par M. Y... et Mlle Z... devant le tribunal administratif de Marseille :
Considérant, qu'à la date à laquelle les époux X... ont déposé leur demande de permis de construire, l'acte authentique leur conférant la qualité de propriétaire du terrain était en cours d'établissement ; que si ledit acte n'a été signé que le 4 décembre 1978, le maire de Carpentras a pu légalement, compte tenu des informations portées à sa connaissance, estimer à la date de la décision attaquée que les époux X... avaient un titre les habilitant à construire sur le terrain ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en omettant d'indiquer dans leur demande le nom de la personne qui était encore propriétaire, les époux X..., qui étaient déjà titulaires d'un permis de démolir un bâtiment sur la même parcelle, ont eu l'intention de tromper l'administration ;
Considérant que les plans joints à la demande de permis de construire permettaient à l'autorité administrative d'apprécier la compatibilité de la construction projetée avec la réglementation d'urbanisme ;
Considérant qu'aux termes de l'article R.111-19 du code de l'urbanisme applicable dans la commune de Carpentras à la date du permis de construire contesté : "à moins que le bâtiment à construire ne jouxte la limite parcellaire, la distance comptée horizontalement de tout point du bâtiment au point de la limite parcellaire qui en est le plus rapproché doit être au moins égale à la moitié de la différence d'altitude entre ces deux points, sans pouvoir être inférieure à trois mètres" ; qu'il ressort des pièces du dossier que si, à l'angle sud-ouest du bâtiment principal envisagé, la distance entre ce bâtiment et la limite parcellaire était inférieure à la moitié de sa hauteur, le permis de construire en date du 29 novembre 1978 a été abrogé sur ce point par le permis modificatif en date du 2 décembre 1980 autorisant la construction d'un garage prolongeant le bâtiment jusqu'à la limite parcellaire ; qu'ainsi le moyen tiré de la violation de l'article R.111-19 précité du code de l'urbanisme manque en fait ;
Considérant que si les dispositions de l'article R.111-21 du code de l'urbanisme permettent de refuser un permis de construire si les constructions projetées sont "de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales", il ressort des pièces du dossier qu'en estimant que la construction projetée n'était pas de nature à porter atteinte au caractère des lieux avoisinants et notamment à celui de la chapelle Notre-Dame de l' Observance, le maire de Carpentras n'a pas entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant que M. Y... et Mlle Z... n'ont assorti d'aucun moyen leurs conclusions dirigées contre l'arrêté municipal en date du 27 mars 1979 ; qu'elles sont, par suite, irrecevables ;
Considérant qu'eu égard à l'ampleur limitée de la modification du projet qui consistait à adjoindre au bâtiment principal autorisé une annexe à usage de garage, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que cette modification devait donner lieu à la présentation par M. et Mme X... d'une nouvelle demande ;
Considérant que l'autorité administrative était en droit d'autoriser cette modification du projet dans le but de la rendre conforme aux dispositions de l'article R.111-19 du code de l'urbanisme ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. Y... et Mlle Z... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du maire de Carpentras en date des 27 mars 1979 et 2 décembre 1980 ;
Considérant qu'aux termes de l'article 57-2 du décret du 30 juillet 1963 "dans le cas de requête jugée abusive, son auteur encourt une amende qui ne peut excéder 10 000 F ; que dans les circonstances de l'affaire, les requêtes de M. Y... et de Mlle Z... présentent un caractère abusif ; qu'il y a lieu de condamner M. Y... et Mlle Z... à payer une amende de 5 000 F chacun ;
Article 1er : La requête de M. Y... et Mlle Z... est rejetée.
Article 2 : M. Y... et Mlle Z... sont condamnés à payer une amende de 5 000 F chacun.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. Y..., à Mlle Z..., à M. et Mme X... et au ministre de l'équipement, du logement et des transports. »
« Vu le recours et le mémoire complémentaire, enregistrés au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat les 3 septembre 1996 et 3 janvier 1997, présentés pour la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN", dont le siège est ... ; la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" demande au Conseil d'Etat d'annuler sans renvoi l'arrêt en date du 27 juin 1996 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 20 avril 1995 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a annulé, à la demande de M. X..., l'arrêté du maire d'Orléans en date du 18 mars 1993 délivrant un permis de construire à la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" et à la société anonyme "Bâtir Centre" ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. Stefanini, Conseiller d'Etat,
- les observations de la SCP Le Bret, Laugier, avocat de la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN",
- les conclusions de M. Stahl, Commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'il résulte des pièces du dossier soumis aux juges du fond que devant la cour administrative d'appel de Nantes, la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" avait fait valoir qu'elle était propriétaire de deux parcelles cadastrées AS 94 et AS 95 en vertu d'un acte notarié rectificatif du 30 juin 1995 venu compléter sur ce point l'acte de vente initial du 30 décembre 1992 qui avait omis de les y faire figurer ; que la société soutenait que ces parcelles étaient incluses dans l'ensemble de terrains dont elle avait fait l'acquisition, qu'elle était ainsi propriétaire d'un terrain d'une superficie de 6 926 m et que, par suite, le maire d'Orléans avait pu légalement l'autoriser à construire un bâtiment d'une surface hors oeuvre nette de 6 161 m sans méconnaître le coefficient d'occupation du sol fixé à 1, pour la zone dont il s'agit, par le plan d'occupation des sols d'Orléans ;
Considérant que, par l'arrêt attaqué, la cour administrative d'appel de Nantes a confirmé l'annulation pour excès de pouvoir prononcée par le tribunal administratif d'Orléans du permis de construire délivré à la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" conjointement avec la société Bâtir Centre, en se bornant à relever que la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" était propriétaire d'un terrain d'une superficie de 5 866 m et que la surface hors oeuvre nette qu'elle avait été autorisée à construire rapportée à cette superficie excédait le coefficient d'occupation du sol applicable à la zone considérée ; qu'en statuant ainsi, sans se prononcer sur le moyen invoqué devant elle par la société qui n'était pas inopérant, tiré de ce qu'elle était propriétaire d'un terrain plus vaste, la cour n'a pas suffisamment motivé sa décision ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué ;
Considérant qu'en vertu de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1997, le Conseil d'Etat peut, s'il prononce l'annulation d'un décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond ;
Considérant que le juge d'appel étant saisi de trois requêtes dirigées contre le même jugement, présentées par la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN", la société Bâtir Centre et la commune d'Orléans, il y a lieu de joindre les requêtes pour statuer par une seule décision ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" et la société Bâtir Centre ayant présenté, ensemble une demande de permis en vue de construire un ensemble de bâtiments sur deux terrains contigus leur appartenant respectivement sur le territoire de la commune d'Orléans, le maire d'Orléans leur a accordé cette autorisation de construire par un arrêté du 30 juillet 1992 ; qu'en outre, les deux sociétés ayant ultérieurement présenté une demande de permis modificatif celui-ci leur a été accordé par arrêté du 18 mars 1993 ; que M. X... a contesté les deux arrêtés du maire d'Orléans devant le tribunal administratif d'Orléans ;
Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier, et notamment des plans joints aux demandes de permis de construire, que les modifications apportées au permis initial consistent en un réaménagement de la disposition intérieure des bâtiments par transformation d'appartements en studios et suppression de locaux techniques, en l'adjonction d'une place de stationnement et en l'installation de quelques ouvertures supplémentaires en façade ; que rapportées à l'importance globale du projet, ces modifications, qui se traduisent par une augmentation du nombre de logements de 101 à 128 et un accroissement de la surface hors oeuvre nette de 8 597 m à 8 776 m , ne remettent en cause ni la conception générale du projet, ni l'implantation des bâtiments, ni leur hauteur ; qu'elles pouvaient ainsi, dans les circonstances de l'espèce, faire l'objet d'un permis de construire modificatif ; que c'est, par suite, à tort que le tribunal administratif d'Orléans a estimé que le permis délivré le 18 mars 1993 ne constituait pas un permis modificatif mais devait être regardé comme un nouveau permis se substituant au permis initial ;
Considérant qu'il appartient toutefois au Conseil d'Etat, saisi par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. X... à l'encontre des arrêtés attaqués ;
Considérant qu'il ressort du jugement rendu par le tribunal administratif, non contesté sur ce point, que le permis de construire délivré le 30 juillet 1992 était devenu définitif à la date à laquelle M. X... a saisi le tribunal administratif ; que le permis délivré le 18 mars 1993 présente, comme il a été dit ci-dessus, le caractère d'un permis modificatif ; que seuls sont susceptibles d'être invoqués à l'encontre de ce dernier permis les vices propres dont il serait entaché ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles R. 421-15 et R. 421-53 du code de l'urbanisme, qui sont dirigés contre le permis initial, sont inopérants ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 421-1-1 du code de l'urbanisme : "La demande de permis de construire est présentée soit par le propriétaire du terrain ou son mandataire, soit par une personne justifiant d'un titre l'habilitant à construire sur le terrain, soit par une personne ayant qualité pour bénéficier de l'expropriation dudit terrain pour cause d'utilité publique" ; que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les propriétaires de terrains distincts mais contigus présentent conjointement une demande de permis en vue de la construction, sur les terrains considérés, d'un ou plusieurs bâtiments présentant une unité d'ensemble ; que par suite, le moyen tiré de ce que la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" et la société Bâtir Centre, qui possèdent des terrains contigus dans l'îlot Jacquard sur le territoire de la commune d'Orléans et qui envisageaient sur ces terrains la réalisation d'un programme immobilier conjoint témoignant d'une réelle unité architecturale, ne pouvaient légalement présenter une demande conjointe de permis de construire doit être écarté ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 123-22 du code de l'urbanisme : "1° Sous réserve de ce qui est dit au 4° ci-dessous, le coefficient d'occupation du sol est le rapport exprimant le nombre de mètres carrés de plancher hors oeuvre susceptibles d'être construits par mètre carré de sol (...)./ 2° Le coefficient d'occupation du sol s'applique à la superficie du terrain qui fait l'objet de la demande de permis de construire (...)" ; qu'il résulte de ces dispositions que dans le cas, comme en l'espèce, où plusieurs propriétaires peuvent légalement présenter ensemble une demande de permis de construire en vue de réaliser une opération de construction conjointe sur un ensemble de terrains contigüs, le coefficient d'occupation du sol s'applique à la superficiede l'ensemble des terrains qui servent d'assiette au projet de construction et non à la superficie de la propriété de chacun des pétitionnaires ; qu'en l'espèce, il est constant que la surface hors oeuvre nette du projet de construction rapportée à la superficie de l'ensemble des terrains contigus détenus par la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" et la société Bâtir Centre dans l'îlot Jacquard n'excède pas le coefficient d'occupation du sol autorisée, pour la zone considérée, par les dispositions du plan d'occupation des sols d'Orléans ; que par suite le moyen tiré d'un dépassement du coefficient d'occupation du sol ne peut qu'être écarté ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a annulé l'arrêté du 18 mars 1993 par lequel le maire d'Orléans l'a autorisée, conjointement avec la société Bâtir Centre, à construire un ensemble d'immeubles situé dans l'îlot Jacquard à Orléans ;
Sur les frais irrépétibles :
Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" et la commune d'Orléans, qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes, soient condamnées à verser à M. X... la somme qu'il demandait devant la cour administrative d'appel de Nantes au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner M. X... à verser à la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN", à la société Bâtir Centre et à la commune d'Orléans les sommes qu'elles demandent au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens ;
Article 1er : L'arrêt du 27 juin 1996 de la cour administrative d'appel de Nantes est annulé.
Article 2 : Le jugement du 20 avril 1995 du tribunal administratif d'Orléans est annulé en tant qu'il a annulé l'arrêté du 18 mars 1993 par lequel le maire d'Orléans avait délivré un permis de construire à la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN" et à la société Bâtir Centre.
Article 3 : La demande présentée par M. X... devant le tribunal administratif d'Orléans dirigée contre l'arrêté du maire d'Orléans du 18 mars 1993 est rejetée.
Article 4 : Les conclusions présentées sur le fondement de l'article 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la SOCIETE ANONYME D'HLM "LE NOUVEAU LOGIS CENTRE LIMOUSIN", à la société anonyme "Bâtir Centre", à M. X... et au ministre de l'équipement, des transports et du logement. »