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"Découvrant par hasard un libre d'Amadeu de Prado, poète portugais, Raimund Gregorius voit sa vie basculer. Bouleversé par ce texte qui semble écrit pour lui, Grégorius prend le premier train pour Lisbonne, bien décidé à plonger dans les méandres du passé de Prado. Il reconstitue l'itinéraire intellectuel et l'engagement politique de cet homme d'exception donc chacun des actes apparaît comme une leçon de vie. Avec ce roman qui sonde les territoires de l'âme et de la conscience en soi, Pascal Mercier délivre une version philosophique peu académique de sens de la vie. [...]".
Mon avis :
Étrange pseudonyme que s'est choisi là cet écrivain suisse, née à Berne en 1944. Professeur de philosophie, Pascal Mercier écrit en allemand et c'est un récit minutieux qu'il nous offre avec "Train de nuit pour Lisbonne".
Grégorius, professeur émérite de latin, grec et d'hébreu, se rend au lycée où il enseigne depuis de nombreuses années. Suivant immuablement son trajet quotidien, il rencontre une jeune fille qu'il pense suicidaire et la sauve. Érudit, linguiste émérite, cette femme d'origine portugaise l'intrigue. Un mot, un seul, "Portugues" prononcé par la jeune femme suffit pour l'attirer vers cette langue bien vivante, pratiquée et usuelle, utilisée par des millions de personnes. Il quitte le cours et ses élèves. Ses pas le mènent vers une librairie de langue étrangère et il y fait une découverte qui va définitivement changer sa vie : un opuscule en portugais d'un écrivain portant le nom de Amadeu Ignacio de Almeida Prado. Gregorius, apprenant le portugais, traduit quelques passages du livre et est sous le choc. Il décide de tout quitter et prend un train pour Lisbonne afin de suivre les traces de Amadeu, médecin et résistant du temps de la dictature de Salazar.
Voyage libérateur, Grégorius a, semble-t-il, le sentiment de prendre sa vie en main pour la première fois : "C'est une erreur de croire que les sentiments décisifs d'une vie, lors desquels sa direction habituelle change pour toujours, devraient être bruyamment et crûment dramatiques, sur fond de violents bouillonnements intérieurs". Certains en sont conscients mais subissent leur propre vie. Manque de courage, fatalisme, impuissance, raison ? Le voyage de Grégorius est surtout intérieur, une étonnante introspection l'amenant peu à peu vers une lucidité qui lui permet enfin de voir la vie autrement, sous un nouveau jour. Il vit et ne subit plus.
Des rencontres bouleversantes vont ponctuer son voyage, sa quête. Nous, lecteurs, nous assistons à la naissance de Grégorius. ce roman sonde les territoires de l'âme et de la conscience en soi. "Un roman venu d'un autre âge, celui des humanités, juste avant que l'ironie et l'indifférence ne sape l'amour de la connaissance" (Clémence Boulouque, Le Figaro du 2 novembre 2006).
L'écriture de l'auteur est élégante, fine et légère mais également précise, impressionnante et dense. J'ai vraiment vécu un moment littéraire intense, un vrai moment de bonheur.
C'est un livre que je vais rechigner à prêter parce que j'ai envie de le parcourir encore, de relire quelques passages, d'en prendre des notes pour en mémoriser certains.
Cependant, une promesse est une promesse. Stéfano : "Train de nuit pour Lisbonne" t'attend, mais si tu ne me le rends pas, je t'étripe !!!