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"Du plus loin de l'oubli", de Patrick Modiano

Par Virginie
Un livre lu il y a un moment déjà mais qui m'est retombé entre les mains. Je ressors donc ma note d'alors, pour lui faire un petit clin d'oeil.

Une vie au dessus du néant, de l’oubli des choses et des gens, une vie suspendue au souvenir de quelques mois avant lesquels il n’y avait rien. Après lesquels il n’y eut pas beaucoup plus.

Dans son existence vide ne tenant qu’à quelques livres vendus dans des bouquineries de Paris pour subsister, le narrateur a vécu une rencontre. Celle de Jacqueline, de son silence, de son charme, de son mystère. Elle est avec un homme, Van Bever. Le narrateur entre dans leurs vies, s’en nourrit, s’en consiste. Il prend l’habitude de les retrouver au café Dante, de les entendre parler de ce voyage à Majorque pour lequel ils économisent. Ils apparaissent, disparaissent, sans explication, mais le narrateur les attend, les recherche, a besoin de leur présence comme pour justifier la sienne. De Paris à Londres, il suivra Jacqueline comme elle suivra son but de gagner Majorque. Il observera ses rencontres « utiles » avec Pierre Cartaud le dentiste ou Peter Rachman « l’homme d’affaires ». Dans sa relation à la fois intense et fragile avec Jacqueline, il accordera ses pas aux siens, lui qui n’a d’autre but que de la sentir dans sa vie. Attendant ce moment où elle finira par disparaître pour de bon…

Un roman feutré, une bulle, un rêve. Le néant autour d’un souvenir qui a pris toute la place. Retrouver ce souvenir, lui garder son sens car c’est lui qui a justifié l’errance et l’existence. J’ai aimé la douceur de ce roman, sa patience, son lyrisme modeste. Ce personnage qui comme bien des êtres humains ne vit qu’en étant un reflet de quelqu’un d’autre. En étant un lien, une partie, une parenthèse. Je reprends la quatrième de couverture pour citer ce joli passage:

« J'aurais brassé les papiers, comme un jeu de cartes, et je les aurais étalés sur la table. C'était donc ça, ma vie présente ? Tout se limitait donc pour moi, en ce moment, à une vingtaine de noms et d'adresses disparates dont je n'étais que le seul lien ? Et pourquoi ceux-là plutôt que d'autres ? Qu'est-ce que j'avais de commun, moi, avec ces noms et ces lieux ? J'étais dans un rêve où l'on sait que l'on peut d'un moment à l'autre se réveiller, quand des dangers vous menacent. Si je le décidais, je quittais cette table et tout se déliait, tout disparaissait dans le néant. Il ne resterait plus qu'une valise de fer-blanc et quelques bouts de papier où étaient griffonnés des noms et des lieux qui n'auraient plus aucun sens pour personne. »

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