En refusant de candidater aux européennes, et en indiquant qu’elle se met en retrait du Modem, Quitterie Delmas fait des vagues. L’annonce faite sur son blog a été reprise par Le Monde, discutée par Christophe Ginisty, Christophe Grébert et des dizaines de gens. J’ai croisé Quitterie (avec Virginie) souvent, de loin (République des blogs, équipe Internet de la campagne présidentielle, nuit Obama) – mais je ne la connais pas en fait. Pourtant ce qu’elle écrit résonne, fort. En fait, je suis resté en retrait de l’engagement formel au sein du Modem (ou auprès de François Bayrou, en fait) pour les raisons qu’elle décrit. (Je n’ai guère de mérite, la paresse ou un peu d’expérience.)
A la première lecture du billet de Quitterie, je n’ai pas tout compris. Alors j’ai relu. Puis j’ai en ai fait une note de synthèse, histoire d’être sur que j’avais bien compris avant de réagir. Cette note est ci-dessous. Certains pensent que Quitterie lâche tout – mais moi je ne crois pas. Au contraire. La seconde partie de son billet est un manifeste pour l’avenir, un truc puissant construit sur des frustrations, des envies, de l’expérience. Je serais bien intéressé à participer, d’ailleurs, cette fois…
Hier
Quitterie commence son billet en expliquant qu’elle est restée silencieuse le temps de prendre des forces, de se ressourcer, se remettre en perspective le sens de son engagement, pour choisir un nouveau chemin. Elle indique qu’au bout de cette réflexion, elle a choisi de ne pas poser candidature à la candidature aux européennes (même s’il est probable qu’elle aurait été élue si elle l’avait fait).
Elle explique que la raison de cette décision, c’est le refus : le refus de faire des promesses qu’elle ne pourra tenir, le refus de mentir (aux autres et à elle-même), le refus de porter sur ses épaules l'image d'une classe politique dont elle n’attends plus rien, le refus de devenir comme ces élus qui ont changé et se « sont perdus, » le refus de faire perdurer un système qui ne peut, ni ne veut, se réformer, le refus d'être instrumentalisée dans le cadre d’une action partisane qui est un entonnoir à l'envers (une pyramide qui broie les gens, leurs convictions, leur idéaux, leur amour des autres). Elle explique qu’elle ne veut pas cautionner un système dans lequel elle aurait été l’alibi jeune, un système qui méprise sa génération. Elle exprime sa déception quand elle évoque cette « élite [qui] n'a rien vu venir, n'a pas anticipé », les « chantres du non cumul, les amoureux de la 6ème République, tous vaincus, terrassés par le système ». Elle parle aussi de sa peur, de ne pas être à la hauteur, peur de demander à d'autres citoyens de voter pour elle alors qu’elle sait qu’elle n'aura pas les leviers d'actions nécessaires pour accomplir ma mission.
Puis elle évoque sa volonté de changer de voie, en pensant différemment, en sortant du cadre. Elle se décrit comme une « passionnée de l'action citoyenne et politique » qui ne crois plus qu’on peut changer le système de l’intérieur. Elle cite André Breton pour signifier qu’elle veut, non pas changer la « règle » mais changer de jeu. Après avoir salué François Bayrou et les adhérents de Modem, elle formule son « manifeste » pour faire les choses autrement.
Demain
« Les partis ne représentent rien pour moi, je n'en veux plus, seuls les gens comptent. Nous sommes tellement nombreux à la base de ces mouvements à vouloir travailler ensemble. Nous sommes les seuls à pourvoir prendre en main la phase de transition, ce passage à une nouvelle société. (Même si nous avons besoin de certains de nos aînés, prêts à nous accompagner et à nous transmettre leurs valeurs.) Il s’agit de se donner les moyens de faire de la politique comme nous le voulons, de se donner les moyens de construire l'alternative, cette transition que seuls nous pouvons prendre en charge. Ca n'existe pas ? Très bien, inventons !
Nos forces, c'est vous, c'est nous. Nous sommes ailleurs, partout, dans la rue, dans le métro, dans les bars, dans leurs maisons, dans des bureaux, dans des facs, à l'étranger. Ces forces sont des femmes et des hommes libres, dans la société civile, dans des entreprises, dans des partis, dans des syndicats, qui sont connectés : il faut accélérer ces connexions, ces synergies, ces créations de richesses, ces échanges culturels, ces mutualisations, ces nouveaux mondes, ces nouvelles règles du jeu, économiques, financières, sociales, médiatiques, environnementales.
Ne plus rien déléguer. Agir, faire, nous même. Ne plus compter sur eux, les vieux, les déconnectés. Compter sur nous. Moi, je compte sur vous. Se concentrer. Sur ce qui est possible. Là où nous avons la main. Sans compromis. En commençant par remettre tout en cause. A peser à chacun de nos actes. Se souvenir qu'au delà du bulletin, nous avons mille façons d'exercer le pouvoir : notre consommation, nos médias aussi, et notre temps libre, que nous passons à nous connecter. A sortir du cadre. A inventer ce qui n'existe pas. A ramer dans chacun de nos actes dans le même sens.
Nous sommes le changement. Personne ne peut accepter de le voir, d’en prendre conscience, de prendre ses responsabilités, à part nous. Nous allons conduire ce changement. Toi, vous, nous. Sous des formes complètement différentes, mais cohérentes, dans la plus grande diversité. Non pas le grand soir mais des petits matins qui changent, concrètement. A trois, à 10, à 20, à 100, à mille, à dix mille, à 500 000, à des millions.
Nous ne cèderons pas puisque nous n'avons rien. Nous ne cèderons pas puisque leurs médailles en chocolat, leurs décorations sont issues d'un système dont nous ne voulons plus. Nos énergies, nos neurones, nos forces, qui mutualisées, feront reculer un immobilisme qui hier encore nous semblait immuable.
Résister c'est créer, créer c'est résister. Nous sommes les héritiers des femmes et des hommes libres des millénaires passés, qui nous ont tout enseigné. Soyons en digne. Soyons digne des enfants que nous mettons au monde. Soyons digne des générations futures. »