Jules César (un film biographique de Uli Edel, réalisé pour la télévision américaine, me semble-t-il, et pour recycler les décors de Gladiator) est l’histoire d’un homme honnête, bon père de famille bon époux, perverti par l’usage du pouvoir au point de donner sa fille à son rival (mariage heureux mais transaction « punie » par la mort de la jeune femme en couches) et de trahir son épouse aimante pour une ambitieuse égyptienne.
Au début, on est saisi (et un peu perturbé) par un sentiment de familiarité : César, c’est le frère de Brenda (Six feet under) qui est ami-ennemi avec le grand amour de Carrie (Sex and the city), lequel s’appelle ici Pompée et se débarrasse de Dumbledore, passé du côté obscur de la force et se rendant coupable de proscriptions (Sylla dans l’onomastique romaine). Et le pire, c’est que ce sentiment de familiarité se double d’un paradoxal sentiment d’étrangeté : quand on a regardé avidement les deux saisons de Rome, César ne peut être qu’un être roublard et magnétique dans la force de l’âge et Pompée, un homme grisonnant et étrangement tétanisé par son destin.
Bon, plus important que Dumbledark Sylla dans le téléfilm, il y a Vercingétorix, double intransigeant de César.
Car le film tisse un intéressant jeu de relations entre les personnages masculins : César et Pompée ont subi la même épreuve de Sylla, mais César s’est montré plus entier ; admiratif, Pompée, contre les ordres de Sylla, laisse la vie sauve à César… Situation reproduite lorsque le conquérant laisse s’enfuir le rebelle gaulois Vercingétorix. Cette générosité n’empêchera pas les deux alliés de devenir ennemis à mort…
J’ai bien aimé aussi la place accordée au théâtre comique : la première scène nous montre César assistant à une farce sur Alexandre, modèle tourné en dérision, pièce qui va être interrompue par le retour de Sylla ; plus tard, sa femme grince des dents devant les « Guignols » de l’époque, et César moqué sur scène pour ses amours avec Cléopâtre.
Après, le récit oscille entre fidélité (l’épilepsie, les mots historiques, même si le « toi aussi, mon fils » eexpire sur ses lèvres), et dramatisation des dernières heures (avec le songe prémonitoire de sa femme Calpurnia et le montage alterné pour faire sentir le destin en marche).
Par rapport au feuilleton Rome, les personnages paraissent bien fades : César semble avoir intégré les valeurs américaines (protéger sa famille d’abord !) et le film condamne l’ambition du héros, sans rendre très tangible l’instant où celle-ci devient malsaine et le transforme en tyran. Pire, la fin le montre prêt à la repentance et à la réconciliation avec son vieil ami Pompée (malheureusement décapité quand il arrive en Egypte) et gomme la sécheresse du personnage. Rien de shakespearien dans ces personnages, alors que les monstres fascinants de Rome m’avaient laissé une forte impression.
A ce sujet, il y avait tout de même quelque chose qui me tracassait dans Rome. Une question de recettes de cuisine et de vaisselle.
En effet, dans un épisode (de la saison 2, je crois), Marc Antoine prenait le petit-déjeuner chez sa maîtresse Atia (mère d’Octave, présenté comme un petit génie intuitif et froid, et d’Octavia, douce et traumatisée par les multiples manigances de sa mère) et à cette occasion, on dégustait en se chamaillant… une salade de fruits. Qui manquait de figue, disait Octavia (sinon, les dialogues sont intéressants). La salade de fruits existait-elle dans l’Antiquité et les familles discutaient-elles des améliorations à apporter à une recette ? me demandai-je avec une pointe de méfiance.
Plus tard, Marc-Antoine et Atia dînent sur le pouce. Il s’agit de verser de l’huile sur du fromage et du pain (frugal, mais très brunch), mais le service utilisé est en verre teinté bleu. Je sais qu’il existait de la verroterie merveilleuse autrefois mais ces pichets qui n’auraient pas déparé les nouvelles collections de quelque magasin suédois, tout de même…
Je ferais beaucoup plus confiance à la vaisselle grossière qui constitue le trousseau de la femme du légionnaire Vorenus, pour le coup.
N’hésitez cependant pas à tenter la salade de fruits à l’antique (sucrée au miel, avec même un peu de poivre pour pimenter) et servez-la dans votre vaisselle la plus colorée !