Bombe à retardement

Publié le 07 février 2009 par Zappeuse

J’ai suivi le conseil d’Annie-Claude, et je n’ai pas regretté : hier soir, j’ai regardé l’émission Thalassa (Fr.3) consacrée à la Polynésie, et plus précisément à Tahiti. Malgré quelques longueurs inhérentes à l’émission depuis qu’elle a adopté un format de deux heures, j’ai appris beaucoup de choses sur cet endroit de carte postale. Et tout d’abord que vivre d’amour et d’eau de mer, c’est impossible, et que, malgré les clichés, il y a de vraies galères au pays des pirogues.
La France, qui possède ces îles mais ne leur donne pas autant qu’aux départements (c’est une des différences entre les DOM et les COM), a une part de responsabilité dans l’accroissement des inégalités et la persistance d’une pauvreté visible (habitats précaires, fort bien montrés dans le reportage Thalassa). Parmi les causes de cette misère, outre le fait qu’aucune prestation sociale ne semble exister pour aider les plus démunis, se trouve la transformation d’une partie de l’archipel en terrain de jeu pour les essais nucléaires. Mais le dernier a eu lieu il y a 13 ans, me direz-vous, c’est du passé … Et bien justement, c’est bien cet arrêt qui pose un problème économique majeur, tandis que la santé des habitants est directement menacée par un nombre de cancers que nul n’a compté, ça évite d’avoir à rendre des comptes. Retour sur événements :
En 1962, l’Etat français doit débarrasser fissa ses billes d’Algérie, et le beau désert saharien ne peut plus servir pour les essais nucléaires chers à De Gaulle, qui ne veut pas que son pays soit en reste derrière les Etats-Unis et l’URSS. Les essais ne peuvent pas décemment avoir lieu en métropole : ça se verrait, et puis ça pourrait provoquer des maladies bizarres, et surtout faire jaser, et ça, Coco, c’est pas bon pour l’image de marque. A 18 000 km de la métropole, il y a tout ce qu’il faut : de l’eau, de la place, et une population que l’on présente comme de “bons sauvages” dociles aux femmes sensuelles. Pour le bidasse envoyé là-bas en mission, c’est tout bénef.
Toute l’infrastructure nécessaire aux essais est alors mise en place, et militaires, scientifiques et ingénieurs débarquent, s’installent, consomment, vivent leur vie, en clair : dépensent leurs pépettes. La Polynésie y gagne en équipements, s’enrichit, et toute la population en profite plus ou moins. A ceci près qu’elle n’est en aucun cas prévenue ni protégée des radiations liées aux essais en atmosphère, y compris lorsqu’elle y participe directement : dans l’émission diffusée hier, un gendarme racontait ainsi que les Français étaient équipés d’une combinaison qui les couvrait des pieds à la tête, tandis que lui n’avait que son arme de service et son uniforme. Autant dire rien. Les radiations ont ceci de pernicieux qu’elles tuent à retardement : les cancers sont bien là, mais va prouver qu’ils sont directement liés aux essais !
Le dernier essai est effectué en 1996, à l’initiative controversée de Jacques Chirac. Juste après, les bases sont démantelées et les militaires partent. La source de revenus qu’ils généraient s’éteint ainsi d’un coup, plongeant une partie de la population dans le chômage : sans allocation ni RMI, c’est la misère assurée, bien visible dans certains quartiers éloignés du centre de Papeete, là où les touristes sont rarement invités à se rendre.

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