Ca nous est tous arrivé. On achète les chaussettes par paires et, pourtant, régulièrement, il y en a une qui disparaît, laissant une malheureuse solitaire. Condamnée à être recyclée en chiffon pour cirer les chaussures. Ou jetée comme une vieille chaussette avant l'heure. Ou attendant patiemment que la malédiction des chaussettes frappe encore et qu'on l'associe à une cousine elle aussi devenue veuve, dans les ménages où l'on prend la précaution de n'acheter ses chaussettes que par lot de 50 paires rigoureusement identiques.
On se demande un peu où est passée cette chaussette. Et puis, bon, on s'endort quand même.
Mais il n'y a pas que les chaussettes.
Il y a deux semaines, on s'est dit qu'on allait laver nos rideaux. Oui, je sais, notre vie est palpitante. Ici c'est Luxembourg, faut acheter les DVD de Koh Lanta si vous voulez voir des gens lutter dans la boue pour leur survie. Bref, on a mis nos rideaux à la machine. Programme "Easy Iron" pour les connaisseurs. 30°. Douceur et délicatesse dans un tambour en acier. En fait, on n'a même mis qu'un rideau à la fois pour plus de sûreté quant au poids que ça pouvait représenter.
Et là, abracadabra... Les rideaux ont disparu ? Quand même pas. Faut aller voir Sylvain Mirouf si vous voulez du grand spectacle. Mais bon, le rideau avait bien perdu 15 centimètres de haut sur toute sa longueur, ce qui ne se voyait pas immédiatement mais ne pouvait se louper une fois raccroché en face de l'autre. Assez intelligemment, on a fait subir le même traitement à son compère et, les mêmes causes produisant les mêmes effets (ouf) on a maintenant une paire de rideaux, certes un peu courts, mais homogène.
La question de la disparition n'en demeure pas moins inquiétante. Où sont passées ces deux fois 15 centimètres de coton, sur une longueur de 2 ou 3 mètres ? Pourquoi les machines à laver avalent-elles des chaussettes par nombre impair, et des bas de manches de pull ou de rideaux ? C'est la quatrième dimension ce truc. Il doit y avoir un univers parallèle où des aliens récupèrent plus de tissus qu'ils n'en mettent dans leur machine.
Si on fait le calcul, ça devient assez dingue, même en prenant des hypothèses très raisonnables et en ne considérant que les chaussettes : Mettons que 10 % de la population mondiale possède une machine à laver, ça fait 600 millions de personnes, dans des foyers, disons, de 4 personnes, ça fait 125 millions de machines. Admettons, sur base de mon expérience personnelle, qu'une machine fait disparaître une chaussette par an. Ca fait 125 millions de chaussettes disparues ou, après un rapide calcul, 62.5 millions de paires volatilisées. Imaginons qu'il y a un type sur cette planète qui possède LA machine à rematérialiser les chaussettes. Il récupère tout ça, donc, sur le nombre, il doit pouvoir reconstituer des paires à peu près correctes. Il les vend sur e-Bay à 10 cents la paire, ça n'a pas l'air d'être du vol. Il se fait 6 millions d'euros par an. Mieux que Bernard Madoff.