« Vu par la Cour le procès fait par le prévôt de Paris ou son lieutenant à l'encontre de maître François Villon, appelant d'être pendu et étranglé, Finaliter la dite appellation et ce dont a été appelé mis à néant, et au regard de la mauvaise vie du dit Villon, le bannit jusques a dix ans de la ville, prévôté et vicomté de Paris. »
Ces quelques mots sont les dernières traces historiques de François Villon, l'un des plus grands poètes français de tous les temps. Après ce 5 janvier 1463, François Villon disparaît définitivement et emporte ses mystères. Nous ne savons quand il est mort, combien de temps il a survécu loin de son quartier des écoles, comme on appelait le Quartier Latin dans le Paris du XVème siècle. Il avait 32 ans et nous a laissé des textes à la portée universelle, rassemblés dans Le Testament, qu'il a sans doute composé entre décembre 1461 et l'été 1462 en intercalant des pièces plus anciennes et ses plus admirables ballades, à l'exception de la Ballade des Pendus. François Villon était déjà en cavale car sa courte existence est ponctuée de séjours en prison, de fuite pour échapper à la justice.
5 janvier 1463 - "Frères Humains qui après nous vivez...": L'épitaphe de François Villon /
En forme de ballade
que fit Villon pour lui et ses compagnons,
s’attendant être pendu avec eux.
Freres humains qui après nous vivez,
N'ayez les coeurs contre nous endurcis,
Car, se pitié de nous pauvres avez,
Dieu en aura plus tost de vous mercis.
Vous nous voiez ci attaché cinq, six:
Quant de la chair, que trop avons nourrie,
Elle est pieça devoree et pourrie,
Et nous, les os, devenons cendre et pouldre.
De nostre mal personne ne s'en rie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
Se freres vous clamons, pas n'en devez
Avoir desdaing, quoy que fusmes occis
Par justice. Toutefois, cous sçavez
Que tous hommes n'ont pas bon sens rassis;
Excusez nous, puis que sommes transis,
Envers le fils de la Vierge Marie,
Que sa grace ne soit pour nous tarie,
Nous preservant de l'infernale fouldre.
Nous sommes mors, ame ne nous harie;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
La pluye nous a bués et lavés,
Et le soleil dessechés et noircis;
Pies, corbeaulx nous ont les yeux cavés,
Et arraché la barbe et les sourcils.
Jamis nul temps nous ne sommes assis;
Puis ça, puis la, comme le vent varie,
A son plaisir sans cesser nous charie,
Plus becquetés d'oyseaulx que dés a coudre.
Ne soyez donc de notre confrerie ;
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre!
ENVOI
Prince Jhesus, qui sur tous a maîtrie,
Garde qu’Enfer n’ait de nous seigneurie:
A luy n’ayons que faire ne que souldre.
Hommes, ici n’a point de mocquerie,
Mais priez Dieu que tous nous veuille absoudre.