Le Travail de l'utopie/Godin et le Familistère de Guise
Michel Lallement
Ed Belles Lettres, 2009
Des logements propres et confortables, des écoles à la pointe de la
modernité pédagogique, des loisirs variés, des magasins de proximité,
un système de protection sociale contre les accidents de la vie. C'est
déjà à partir de 1859, au Familistère de Guise dans l'Aisne, que
Jean-Baptiste André Godin bâtit un Palais social, juste aux côtés de
son usine d'appareils de chauffage. Rare expérimentation d'inspiration
fouriériste qui a su résister au temps, le Familistère est une réponse
unique et originale à la question sociale qui tenaille alors une
société en voie d'industrialisation. Dans la ruche familistérienne,
la reine porte un nom : solidarité.
Autodidacte frotté de
spiritisme, homme politique, journaliste, auteur de multiples ouvrages
à visée réformiste, Godin (1817-1888) multiplie les rôles tout au long
de sa vie. Mais il est avant tout un manufacturier hors normes, doué
d'un sens aigu de l'innovation : ses poêles en fonte sont toujours
célèbres aujourd'hui. Godin est aussi un socialiste pacifiste qui
s'oppose aux principes du libéralisme. Avec des succès inégaux, il
expérimente la démocratie industrielle et promeut l'économie sociale ;
féministe, il agit en faveur de l'éducation mixte, du travail des
femmes et de la parité dans la gestion des affaires du Familistère.
Michel Lallement, grâce à l'exploitation approfondie des archives du
Familistère, restitue la vie de Godin et les principes qui guidèrent
son action. Sans jamais séparer l'homme du contexte dans lequel
celui-ci pense et agit, cette biographie est aussi celle des
principales inventions auxquelles Godin donne vie. En cela, elle
éclaire de profil l'histoire du socialisme et des alternatives au
libéralisme économique : toutes menées au nom du caractère vital et
sacré du travail, les initiatives et propositions de Godin ont connu
des fortunes différentes, puisque paradoxalement, ce n'est pas entre
les murs de l'usine mais bien plutôt au cœur du Palais social que le travail de l'utopie a porté ses principaux fruits.
Michel Lallement est professeur
au Conservatoire national des arts et métiers (Paris), titulaire de la
chaire d'Analyse sociologique du travail, de l'emploi et des
organisations. Membre du Lise-CNRS, il est notamment l'auteur de Temps, travail et modes de vie (PUF, 2003) et de Le Travail. Une sociologie contemporaine (Gallimard, 2007).