Voici une auteure qui a défrayé la chronique, il y a quelques mois, dans la blogosphère. J'étais très curieuse de constater par moi-même les raisons de l'engouement général et grâce au swap "Eternel féminin" organisé par Anjelica et à Martine ma swappeuse, je me suis lancée le mois dernier dans la lecture de "Amour, Prozac et autres curiosités".
Trois soeurs, aussi dissemblables que la nature peut le permettre, traînent leur mal de vivre entre le travail, leurs distractions et leurs retours sur elles-mêmes. L'aînée, Ana, mère de famille rangée, ordonnées, aimant les belles choses et la tranquilité domestique est en pleine dépression et se laisse totalement aller; Rosa, la cadette, la cadre dynamique, bosseuse, omnibulée par son travail, ne sachant pas vivre en-dehors de son bureau, regarde ses soeurs et sa mère sans trop comprendre ce qui leur arrive, un rien agacée, beaucoup tracassée par les étranges coups de fils quotidiens reçus à heure fixe tard dans la soirée, avec en fond sonore "L'heure fatale" de Purcell, son morceau préféré....qui cela peut-il être? Quant à Cristina, la benjamine, celle qui ressemble tragiquement au père qui a fuit le domicile conjugal pour ne plus y revenir, le père qui les abandonna sans un regard en arrière, elle expérimente tant et plus les drogues, l'alccol et les hommes dans un délire hallucinant. Leur mère, issue de la plus grande bourgeoisie, regarde le temps passer sans voir ses filles, sans voir leur détresse cachée derrière leurs multiples excès: le goût excessif du ménage et de l'ordre domestique, le goût excessif du travail et des marques de luxe jusqu'à s'isoler du monde réel, le goût excesif pour toutes les transgressions possibles des tabous et des lois, sont autant d'appel à être enfin vues criés par ses filles!
Dans un déroulement original de déclinaison des lettres de l'alphabet et une partition à trois instruments (Cristina, Ana et Rosa), Lucia Etxebarria dresse un portrait de notre société moderne malade de toutes ses extravagances, de tout son mal de vivre et de tous ses excès. Elle virevolte d'une soeur à l'autre, d'une vie à l'autre, dans un tango parfois léger mais souvent profondément tragique derrière les rires et le quotidien: la vie est tout sauf un long fleuve tranquille, on le sait depuis que le monde est monde, mais on en a confirmation au fil de l'illustration de l'alphabet à l'image d'un alpha et omega de l'âme humaine. Chacune dissimule ses blessures au plus profond d'elles-mêmes jusqu'au jour où le lit des souvenirs enfle, déborde et bouleverse l'ordre établi des choses: le chaos de l'intime rudoie le quotidien et entretien une pulsion de mort, le thanatos de la tragédie classique....surtout lorsque l'on se rend compte que la vie vécue jusqu'à présent est tout sauf celle que l'on souhaitait vivre!
J'avoue avoir eu des difficultés à entrer dans l'histoire: je ne parvenais pas à m'identifier à aucun des personnages, les aventures et expériences de ces derniers me laissaient de glace. Pourtant, j'ai persévéré et suis allée au bout de ma lecture, suis parvenue à m'intéresser aux vies des trois soeurs sans pour autant être en empathie avec elles. Je ne saurai dire pourquoi je n'ai pas adhéré aux caractères de ces femmes ni pourquoi je n'ai ressenti aucune émotion. Et pourtant, Etxebarria est présentée comme une auteure phare de l'après-movida, ce mouvement culturel prolifique en Espagne issu de la libération de la période sombre du franquisme.
Bien que longtemps je me suis demandée où allait l'histoire et ce qu'elle souhaitait raconter, j'ai souri, un peu tremblé aux côtés de ces trois soeurs madrilènes, dévastées par la désertion du père et l'absence affective de la mère. Certes, le style est drôle, enlevé, dynamique, mais il y a un petit quelque chose qui m'a empêchée d'apprécier vraiment ce roman. A l'occasion, je retenterai une lecture avec un autre roman de l'auteure!
Roman traduit de l'espagnol par Marianne Million
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