Dans un monde parfait,
J’aurais toujours mon corps de 30 ans, mais avec ma maturité de 40 ans. Un ventre plat tout ferme, de jolies fesses rebondies, de longues jambes fuselées, des cheveux chatoyants, des dents de star, des yeux en amande et de biche, une taille de guêpe, des doigts de fée, un cœur en or, un corps de rêve…
Je ne saurais pas ce que sont les vergetures, les rides, les boutons. Je n’aurais pas les pieds plats, la rate qui s’dilate, le cheveux gras, la fesse flasque et la cheville lourde. Je mangerais tout ce que je veux, foie gras, glaces, gâteaux sans jamais prendre un gramme. Je m’habillerais chez Kenzo ou Dior ou Saint Laurent et j’aurais une classe folle.
J’aurais le pied grec, les pommettes et le teint slaves, la tchatche méridionale, la sensualité espagnole, le rythme brésilien, l’humour anglais, la taille suédoise, les tâches de rousseur irlandaises, la fierté gasconne et pas de poils portugais.
Je tiendrais l’alcool comme une polonaise, chanterais comme une diva italienne, ne serais pas bornée comme une bretonne et ne dirais pas QUOI comme une ch’ti à chaque fin de phrase.
Je ne me casserais jamais un ongle en faisant la vaisselle puisque je ne ferais jamais la vaisselle.
Dans un monde parfait, j’aurais une immense culture générale, et j’aurais adoré le grec et le latin que j’aurais appris à l’école.
J’aurais brillamment terminé mes études supérieures, je parlerais 6 ou 7 langues couramment, je voyagerais à travers le monde.
Je travaillerais 15 heures par semaine pour 3000 € par mois. J’aurais un emploi valorisant dans lequel je me sente libre, pas de chef et tout le monde serait d’accord avec moi.
Je chanterais juste, même à capella. Je serais une pianiste virtuose. Et puis je jouerais aussi du violoncelle, de la contrebasse et de la batterie. On aurait un groupe avec des potes et les enfants et on ferait des mini concerts où se presseraient des habitués admiratifs et enthousiastes. J’apprendrais à slamer, et surtout, j’oserais.
Dans un monde parfait, j’aurais eu 5 enfants, mais sans jamais accoucher. J’aurais une femme de ménage, un majordome à la maison qui ferait 400 m2 en pleine ville avec un grand jardin. Mes enfants seraient beaux et intelligents, et en plus, sages comme des images. Ils n’auraient jamais attrapé de poux et auraient des notes excellentes à l’école et seraient cités en exemple par les autres parents et par les professeurs.
J’aurais un mari aimant et attentionné et j’aurais 2 amants fougueux et passionnés. Je ferais l’amour tous les deux jours, pendant des heures et mon partenaire ne se tournerait jamais sur le coté à la fin. J’aurais un orgasme fulgurant à chaque fois, comme dans les magazines.
Dans un monde parfait, George serait fou amoureux de moi et je m’amuserais à le faire un peu marronner. Et il me couvrirait de présents, de bijoux, de fleurs, mais pas de café.
Un homme m’aurait emmenée en surprise à la Scala de Milan comme Prety woman et j’aurais pleuré en écoutant l’aria final en tenant la main de mon amoureux.
J’aurais encore plus d’amis que je verrais dès que j’en ai envie. On ferait des mégas noubas, on referait le monde et on danserait jusqu’au bout de la nuit sans être fatigués le lendemain. On pourrait faire un bon dîner bien arrosé avec des vins fins sans croiser un flic borné, obtus et envieux au retour.
J’aurais une voiture neuve qui ne tombe jamais en panne et personne ne me rentrerait dedans. Elle s’auto-chaufferait le matin et se faufilerait dans les embouteillages.
Mes parents ne mourraient jamais ni personne que j’aime. Mais je pourrais zigouiller les quelques crétins qui me saoulent.
Dans un monde parfait, je pourrais lire 10 livres par semaine et quelques magazines, aller au théâtre et être à la page de l’actualité cinématographique et littéraire, mais je ne manquerais pas de sommeil et ne me réveillerais pas avec des yeux bouffis le matin.
Mon blog recevrait 500 visite par jour, je serais adulée, encensée et je le vaudrais bien.
Mon chat ne ferait pas ses griffes sur les rideaux et ne ferait pas non plus la tête devant les croquettes de chez Liddl (chat de luxe !).
J’aurais un château en Espagne, une cabane au Canada, et une valise en carton pour passer de l’un à l’autre. J’aurais la tête dans les nuages, je ferais des plans sur la comète qui se réaliseraient. La Mathilde s’rait revenue, il ne pleuvrait pas sur Brest ni sur Barbara, ni ce jour-là ni un autre et Cyrano aurait un nez plus court, de même que Cléopâtre.
Et puis j’aurais publié 3 recueils de nouvelles qui auraient eu un franc succès, il y aurait eu un super buzz sur Internet, grâce à vous, mes lecteurs, et le grand public vous aurait suivi. Je pourrais bientôt vivre de ma plume. Je passerais chez Pivot (il y aurait encore Pivot, bien sûr), on aurait un taux d’audience record. Mes livres se vendraient comme des petits pains.
Je serais allée plusieurs fois dans des palaces les pieds dans l’eau, avec du sable blanc et des cocotiers, et j’aurais aussi du temps et des amis avec qui faire des treks époustouflants au bout de la terre dans des endroits magiques. Je partirais sur un voilier pour faire le tour du monde, seule face aux éléments, et je n’aurais même pas peur. Je n’aurais pas peur non plus des araignées et de toutes les sales petites bestioles qui traînent dans l’herbe ou dans les vieilles maisons.
Dans un monde parfait, il ferait toujours beau avec de la pluie de temps en temps, juste pour laver le ciel. On aurait de vraies saisons, comme autrefois. On pourrait vivre à poil en été. L‘hiver, je skierais. J’irais au festival d’Avignon. Et puis à celui de Deauville. Et puis à Salzbourg. Je visiterais toutes les capitales d’Europe et aurais assez de temps pour écumer les musées. Et mon chéri aimerait ça.
Le sida, l’herpès, les morpions et autres mycoses n’existeraient pas. Et puis le cancer non plus, tant qu’à faire.
Il n’y aurait pas de chômage, pas de voleurs, pas de violeurs, de drogués ni de prostituées. Pas de psychopathes ni de schizophrènes, juste des gens normaux, simple et heureux. Les Juifs et les Arabes arrêteraient enfin de se faire la guerre et vivraient cote à cote dans l’harmonie. On mangerait à notre faim et tout le monde aurait un toit. On n’aurait pas des guignols à la tête de la France, la bourse s’envolerait et la baguette serait à 10 centimes de francs, parce qu’on reviendrait aux francs.
Les hommes ne ronfleraient pas, les femmes ne se rongeraient plus les ongles. On trouverait un empêcheur de pousse de poils, mon homme ne grincerait plus des dents la nuit dans son sommeil, et moi j’arrêterais de râler pour un rien.
Dans un monde parfait,
Je serais une femme parfaite.
Les poules auraient des dents.
Les éléphants seraient roses.
Et je crois bien que je m’ennuierais terriblement...