Aimer les paysans !

Publié le 06 février 2009 par Ressol

L’une des leçons économiques majeures de la dernière décennie sera – quand on en aura pleinement pris conscience au Nord comme au Sud – la faillite générale des stratégies agricoles mises en œuvre à partir des années 1960. On redécouvrira partout demain le rôle prépondérant des paysans dans l’évolution équilibrée des sociétés humaines et des milieux naturels qui les portent. Pour le moment les tenants des modèles agro-technocratiques parviennent encore à dissimuler l’ampleur de la déconfiture du « monstre » qu’ils ont engendré et apparaissent toujours comme « progressistes » aux yeux des croyants du salut de l’humanité par la transformation des sols en paillasse de laboratoire. Cependant, le vrai progrès est déjà à l’ouvrage, dans les marges des systèmes dominants maintenus artificiellement en vie grâce aux perfusions financières, chimiques ou scientistes.

Toute révolution mentale commence par détruire les mythes de l’ordre ancien. On avait décrété trop vite « la fin des paysans ». Certes, la figure du paysan défini par Henri Mendras en 1967 dans son célèbre ouvrage n’existe presque plus quarante ans plus tard dans nos contrées. Il faut tout le talent cinématographique et ethnographique d’un Raymond Depardon pour faire vivre brillamment les survivants d’un monde submergé par les fastes dérisoires de la modernité. Pourtant, si le paysan maître de son labeur et de son temps, cultivant péniblement sa terre a disparu chez nous il est illusoire de voir dans sa disparition le signe premier et décisif de l’avènement de son successeur naturel : l’agriculteur exploitant rationnellement la terre. Il n’est rien de plus faux que cette dichotomie entre le paysan qui incarne la tradition qu’il faut nécessairement dépasser et la modernité qu’incarnerait l’entrepreneur des campagnes rationalisées. Finalement, il n’a pas fallu si longtemps pour réaliser que cultiver une terre c’est l’entretenir, la faire durer tandis qu’exploiter la terre c’est l’appauvrir puis la détruire à terme bref.