L'intervention de Nicolas Sarkozy d'hier soir suscitait une profonde attente de la part des citoyens français et, plus particulièrement peut être, de la part de ceux qui étaient dans la rue Jeudi dernier. Sur le fond du propos, il n'y a pas grand chose de neuf. Seulement des idées lancées en l’air, des propositions, des dossiers à approfondir lors de la prochaine rencontre des partenaires sociaux le 18 Février prochain. Une évolution dans la direction d'un renforcement du dialogue social qui, je dois bien l'avouer, me conviens plus qu'une intervention directe de l'Etat. Sur le fond des propositions, nous baignons entre un protectionnisme réclamé par la rue et presque imposé par la situation, des dettes astronomiques et le vital besoin de parer aux erreurs des fautifs selon la désormais célèbre théorie du « too big to fail ».
Si à mon goût Nicolas Sarkozy a plutôt bien réussi son rôle de pédagogue, il a manqué à sa tâche, au moment d’expliquer le pourquoi du comment du choix de la relance par l'investissement. N. Sarkozy n'a pas osé faire référence une seule fois aux textes économiques par peur d’écœurer son auditoire ou peut être n’était-il tout simplement pas en mesure de tenir un discours économiquement juste et droit. Pourtant, c’est bien de cela dont on cause tout les jours dans les médias, dans les palais présidentiels et les ministères du monde entier... Seule une référence plus que technique entre Actifs et Passifs fut utilisée. Il aurait été nécessaire selon moi d’expliquer les tenants et les aboutissants de chacune des deux théories en vogues en ce moment, les relances par la demande et par l’investissement. Explications.
Tout d’abord, il n’est pas inutile de rappeler que ces deux types de relances de l’activité économique sont issus d’une théorie générale de relance dite par la demande. A l’inverse, il existe également une relance par l’offre qui vise à réduire les charges pesant sur les entreprises par exemple. La relance par la consommation désigne une situation dans laquelle l'Etat verse, sous diverses formes que ce soit, des liquidités aux ménages afin de relancer la consommation. C’est l’exemple type de l’idée sur laquelle est articulée le plan de relance du Parti Socialiste et qui vise à distribuer 500 Euros au ménages. Dans ce schéma de pensée là, l'impulsion donnée par l'Etat déclenche un flux d’argent « frais » directement consommé, lequel impulse un accroissement de la demande générale et relance donc l'activité des entreprises, qui embauchent, créent des richesses, paient des salaires... Le cercle vertueux de la croissance est reparti. Cependant, tout n’est pas rose. Nous vivons en effet dans un système d’économie de marché mondialisé. Concrètement, un consommateur qui souhaite acheter aujourd’hui une voiture aura le choix entre une Renault, une Fiat, un Daewoo, une Logan… un large panel. Le risque majeur de ce type de relance est donc la forte probabilité de voir s’enfuir cet argent sur une consommation « étrangère ». Ce système n’est donc viable que s’il vise une infime partie de la population, la moins aisée, qui utilisera cet argent frais dans une consommation de biens courants et de première nécessité (Alimentaire par exemple). Quand bien même cet argent serait-il versé aux « justes personnes », il n’est pas dit que dans un pays à la balance commerciale déficitaire (qui importe plus qu’il n’exporte) tel que la France, la consommation de biens, fussent de consommation courante, ne serve à alimenter la relance d’autres pays… Enfin, ce type de relance revêt le désagréable goût de la mesure « one shot » en mobilisant un coût non négligeable pour le pays.
La relance par l'investissement désigne un processus un peu plus complexe. C'est d'ailleurs en cela qu'il rassemble, je le pense, moins de partisans. Pourtant, et aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est l'économiste, JM Keynes, inventeur de l'État Providence et mentor des courants de pensées socialistes qui a, le premier, décrit l'efficacité d'une telle relance. Son fonctionnement est somme toute assez simple, même s'il s'articule autour d'une formule mathématique complexe. Pour comprendre, je vous propose d'ouvrir ce document qui schématise parfaitement son fonctionnement.
Il s’agit en fait de déclencher « manuellement » (par l’intermédiaire de l’investissement public) l’étincelle capable de rallumer le moteur de la croissance économique. Imaginons le lancement d’un chantier d’une envergure égale au Viaduc de Millau. Pour mener ce chantier à bien, des entreprises du BTP vont être incorporées et derrières elles, les sous traitants. Les salariés seront nourris, logés et blanchis sur place ce qui fera travailler la région qui fera elle-même travailler d’autres entreprises sur d’autres chantiers un peu partout en France. Ce mode de relance demeure, tout comme l’autre, structurellement imprévisible. Alors vous allez me dire pourquoi lui et pas l’autre ?
La réponse se trouve dans les fondamentaux de gestion. Ceux là même abordés par N. Sarkozy lors de son intervention d’hier. Lorsqu’un pays endetté comme la France emprunte de l’argent, la logique l’oblige à emprunter pour investir. En d’autres termes, que conseiller à un ménage surendetté ? Emprunter pour financer ses dépenses courantes ou emprunter uniquement si un actif peut être placé en face de la dépense ?
Par les temps qui courent, je demeure persuadé que l’option de la relance par l’investissement est la moins mauvaise des solutions. Le hic – puisqu'il y a un hic – c’est que le plan de relance présenté par Sarkozy et Fillon ne comporte pas que des chantiers de la taille du « Viaduc de Millau » mais que d’autres chantiers, beaucoup moins forts en termes d’impact direct sur l’économie ne font qu’accroître le risque de surévaluation des conséquences positives de ce plan de relance.
Un plan de relance mal expliqué, une fragilité trop exacerbée sur des sujets chauds, des propositions reportées au 18 Février 2009, une intervention auprès des banques qui passe toujours aussi mal (injustement d’ailleurs) et une profonde insatisfaction qui demeure chez ses adversaires (comment en aurait il pu être autrement...) et ce malgré un discours teinté de rouge...
Sarkozy n'a pas réussi son grand oral.