A l’inverse de ses homologues étrangers, le soutien à Silvio Berlusconi semblerait se consolider et se stabiliser
La courbe Schmitt est le cauchemar de tout gouvernement. Cette courbe, découverte par le politologue allemand Hermann Schmitt, illustre la trajectoire du soutien aux gouvernements de tous les pays d’Europe dans les vingt dernières années. En moyenne, dans chaque pays européen le soutien à l’exécutif atteint son sommet lors des six premiers mois de gouvernement. Après ce premier semestre, la chute de popularité est spectaculaire : la confiance dans le gouvernement se réduit de façon extraordinaire et touche son fonds à la fin de la troisième année. A partir de la quatrième année, le soutien au gouvernement commence enfin à remonter.
Toutefois, en Europe une exception à cette règle existe. Dix mois après son élection, le gouvernement Berlusconi profite encore du soutien de l’opinion publique italienne. Selon l’institut de sondage IPR, quasiment la moitié des Italiens auraient une bonne opinion du gouvernement Berlusconi. Ce qui frappe dans le soutien au gouvernement du « Cavaliere» n’est pas son niveau élevé mais la stabilité et la solidité dont ce soutien fait preuve. En juin 2008, deux mois après la prise de fonctions du gouvernement, 56% des Italiens soutenaient l’exécutif berlusconien. La confiance dans le gouvernement berlusconien n’a donc pas véritablement fléchi.
Cette popularité semblerait également se traduire en termes électoraux. Ainsi, selon tous les instituts d’opinion, la coalition berlusconienne semble renforcer son électorat par rapport à la victoire électorale (déjà imposante) d’il y a 10 mois.
Cette dynamique d’adhésion au centre-droit italien semblerait reposer sur trois piliers majeurs
La force du gouvernement Berlusconi : Berlusconi lui-même.
Berlusconi est aujourd’hui une personnalité appréciée par 56% (données IPR) des Italiens, soit un niveau plus élevé que celui de son gouvernement. Cette popularité apparaît durable (son niveau de popularité est stable depuis plus d’un an) et s’explique par la résilience et la flexibilité de son image.
Pour Silvio Berlusconi le temps de la présidence « Bling Bling » est fini.
A partir de la dernière campagne électorale, le «Cavaliere » a en effet joué la carte de la discrétion et de l’austérité: le voleur de lumière s’est ainsi transformé en homme de l’ombre et du silence et ce changement d’image lui a permis d’esquiver les risques d’usure de son image et de sa parole. Il serait toutefois réducteur d’interpréter la solidité du soutien à M. Berlusconi uniquement en termes de stratégie de communication. Ce qui frappe chez Silvio Berlusconi, c’est en effet sa capacité à interpréter et à anticiper les humeurs de l’électorat. En ce sens, sa stratégie du profil bas a été avant tout, un moyen pour se mettre en syntonie avec un électorat de plus en plus morose face à la crise. La durabilité du soutien au «Cavaliere » renvoie alors à la nature charismatique de son leadership, au rapport d’identification collective qui s’est établi entre une bonne partie de l’électorat italien et le Premier Ministre : Silvio Berlusconi n’a plus besoin de s’afficher puisque, de façon indirecte, il est toujours présent dans la société italienne. Sa centralité est désormais reconnue par tous les segments de l’opinion publique et il n’a donc plus besoin de publicité pour s’imposer.
En ce sens, Silvio Berlusconi a parfaitement réussi dans son projet de monopoliser démocratiquement la société italienne.
Dans cette perspective, la déliquescence de l’opposition s’inscrit parfaitement dans l’établissement de ce monopole démocratique berlusconien.
Déstabilisé par les luttes intestines et par de nombreuses enquêtes de la magistrature concernant des cas de corruption au niveau local, le Parti Démocrate, la principale force d’opposition, semble impuissant face au gouvernement. Après avoir utilisé et usé le thème de l’antiberlusconisme, l’opposition apparaît aujourd’hui désemparée. Selon Ipsos, le PD recueillerait aujourd’hui 25% des voix, soit 8% de moins que son résultat aux dernières élections législatives. Cette baisse est associée à une augmentation de l’abstention ainsi qu’à une hausse électorale pour l’Italie des Valeurs, le parti fondé par l’ancien juge de l’enquête « Mains Propres», Antonio Di Pietro.
La solidification du soutien au gouvernement s’est également appuyée sur une stratégie de contrôle de l’agenda politique. Ainsi, le discours de l’exécutif se concentre sur le thème de la lutte contre l’insécurité et l’immigration. Cette orientation lui a permis d’empêcher un retour de thèmes et de clivages économiques qui auraient pu émerger du fait de la crise actuelle.
La conflictualité sociale se trouve ainsi affaiblie alors que le centre-droit peut exploiter électoralement son avantage compétitif lié aux thèmes de l’insécurité.
Cette combinaison d’éléments a donc permis à Silvio Berlusconi de consolider et stabiliser son pouvoir, contrairement à ses homologues étrangers. Si les années 1990 avaient incarné les années du berlusconisme populiste et le début des années 2000 la période du berlusconisme de gouvernement, pour Berlusconi cette fin de décennie se configure ainsi de plus en plus comme le moment charismatique.