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Aplatir, dit-il

Publié le 05 février 2009 par Omelette Seizeoeufs

Depuis quelques semaines nous voyons fleurir des excellents textes écrits par des chercheurs pour défendre la recherche et l'enseignement en France. A tel point que l'humble blogueur ne voit pas toujours ce qu'il pourrait rajouter. La volonté de casser les institutions, de précariser les chercheurs et les enseignants, de prendre le dessus sur toute cette intelligence finit par ne pas sembler rationnel du tout. L'humble blogueur s'interroge sur les motivations profondes et obscures.

J'avais parlais de la pyramide dans mon dernier billet (il y a... presque un mois...) sarkozyste, et du fait que pour le sarkozyzme, il est insupportable qu'il existe des domaines qui échappent à une hiérarchie sociale et économique faite uniquement de relations de domination (surtout économique) et de rapports de force. D'où une suspicion permanente à l'égard de la justice et de l'éducation, notamment. Il faut les dominer, les mettre sous tutelle ! Il est insupportable que des juges puissent mettre en danger nos grandes entreprises. Il est insupportable que des "profs" forment notre jeunesse sans être guidés par les lois et l'esprit du marché. Il est insupportable que des chercheurs puissent chercher n'importe quoi sans que ce soit le Prince l'ait expressément voulu. A quoi ça rime ?

En somme, il n'y a qu'un seul langage. S'il y a une pyramide avec au sommet une caste de dirigeants rich and powerful, il y a aussi un aplatissement. Rien en dehors du discours dominant, pas d'intelligence ni de justice indépendants.

Pour la culture, on sait que Sarkozy affectionne la culture télévisuelle à succès. J'entendais sur France Info hier, en passant, quelqu'un dire que ce qui intéresse Sarkozy dans les médias, c'était la réussite. C'était pour expliquer son choix de RTL pour son entretien radiophonique, RTL étant la radio la plus populaire. Voilà de l'intelligence que l'on peut mesurer. L'intelligence qui se convertit instantanément, ou presque, en fric. Intelligent comme la Star Ac'.

De temps en temps, il m'arrive de me retrouver dans l'une de ces conversations où, soudain, mon interlocuteur prend pour acquis que c'est quand même un peu ridicule que l'État paie pour, par exemple et au choix, soutenir l'étude des langues anciennes, proposer des diplômes d'art plastique, étudier La Princesse de Clèves, bref toutes sortes de choses qui ne servent à rien, qui n'intéressent à peu près personne, etc. etc. etc.

Pour défendre ces politiques, on ne peut plus s'appuyer sur l'humanisme comme valeur. Évidemment. L'humanisme n'est plus tellement vendeur, il va falloir s'y faire. J'essaie de dire, dans ce genre de conversation, que la recherche, même celle qui concerne les "choses inutiles dont tout le monde s'en fout", maintient le niveau d'un pays, en essayant d'invoquer l'esprit patriotique : "tu as envie, toi, de vivre dans un pays où la plus haute culture est celle de TF1 ?" Ce genre d'argument ne prend pas en général, mais je l'aime bien quand même.

La question n'est pas celle du patriotisme, d'ailleurs, mais celle de l'uniformité de la pensée, du savoir. En cassant les institutions, en affichant un mépris profond pour les chercheurs, en espérant que le bon peuple le rejoindra dans ce mépris pour des fonctionnaires évidemment fainéants, Sarkozy et les siens cherchent, même s'ils ne se l'avouent pas, à nettoyer, avec un Kärcher d'un autre type, les esprits et les discours. Le but de l'opération est bien sûr de venger une certaine droite des blessures que l'intelligence lui a infligées depuis des décennies, et surtout d'en finir avec autre forme d'altérité, une autre sorte de contre-pouvoir qui échappait encore à l'Axe argent-pouvoir.


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