Ecarts de langage

- Madââââme....
- Oui ? (non, à mes élèves, je ne leur fais pas le coup du "non, c'est mademoiselle !")
- Vous auriez un mouchoir ?... Je saigne du nez...
- Encoooooooore ?
Non, là, il ne faudrait pas que ça devienne une habitude... C'est le troisième cours consécutif que cet élève se met à saigner du nez. Je le stresse ? Son cerveau est tellement en activité pendant mon cours qu'il s'en déclenche des saignements de nez ? A moins qu'il ne s'essaie aux saignées dès que j'ai le dos tourné ?
- Oui, j'arrête pas de saigner du nez, en ce moment !
- Et bien, songe sérieusement à aller te faire cautériser...
Et là, gros blanc dans la classe. Trente paires d'yeux incrédules sur moi. On entendait presque leur cerveau s'affoler; tempête sous trente crânes... Cautériser ?... Mais... Quoi qu'elle dit la prof ?...
- Cau quoi, madame ?
- CAU-TE-RI-SER...
Et là, combat de regards. On se serait presque crus dans un western, avec en guest star un élève qui tente de dégainer son stylo pour le planter entre les deux yeux de son ennemie la prof... Musique d'ambiance...  A ce moment, j'ai entendu un élève dire à un autre : "Qu'est-ce qu'elle lui a dit ? Elle l'a traité ?" C'est là que j'ai compris qu'il avait mal compris le sens de mon conseil et qu'il était certainement en train de penser que je lui avais dit d'aller se faire empapaouter par un pygmée à plumes pour ne plus saigner du nez...
Alerte rouge ! Plan Orsec ! Avant de me retrouver avec des parents qui vont porter plainte contre moi pour avoir insulté leur enfant, avant que ma principale ne me demande de justifier un écart de langage qui serait arrivé à ses oreilles, il a fallu que je rétablisse la situation...
"Oui, cautériser... On brûle des petits vaisseaux dans le nez pour qu'ils arrêtent de saigner... et que tu n'aies plus ce genre de problème...
- Aaaaaaaaaaaaah..."
J'ai lu le soulagement sur son visage... et sur celui de ses camarades. MC, la prof qui emploie toujours un vocabulaire châtié (au moins en classe !), et parfois compliqué, n'a pas sombré dans les insultes. Ouf ! L'honneur est sauf ! Chacun peut retourner vaquer à ses occupations... L'élève en question a compris que je ne lui voulais pas de mal...
En revanche, si moi je ne lui voulais aucun mal, je pense que l'infirmier a eu quelques envies de vengeance : quand il est remonté de l'infirmerie, il avait un énorme coton dans le nez; à croire que l'infirmier lui avait bourré trois paquets de coton maxi format dans la narine; ou qu'il craignait une hémorragie nasale. Comment voulez-vous demander à la classe d'arrêter de rire alors qu'intérieurement, vous avez juste envie de dire à cet élève qu'on a l'impression qu'il a avalé des poireaux par le nez ?