L'agence de communication chinoise Radio Chine Internationale se félicite : la construction du projet des Trois-Gorges entre actuellement dans sa dernière ligne droite. Le projet, dont la plupart des travaux de construction ont été réalisés, pourrait même s'achever un an avant la date prévue, tous les 26 groupes hydroélectriques étant désormais en service.
Mais le barrage des Gorges de Qutang, Wuxia et Xiling, plus connu sous le nom de barrage des Trois Gorges, longtemps cité (par les autorités chinoises, bien sûr) comme un projet s'inscrivant dans une perspective de développement durable, suscite en fait l'inquiétude. Outre les problèmes liés à l'engloutissement de plusieurs villes, à la pollution, aux atteintes à l'éco système, le barrage bouscule et modifie le cycle et la distribution des sédiments... ce qui risque d'affecter son potentiel hydroélectrique !
En amont du fleuve, le Chang Jiang traverse le plateau du Tibet, il se gonfle alors de vase. En raison d'une déforestation et désertification intense, les sols sont friables. Très affaiblies, les berges du cours d'eau sont désormais sujettes à des glissements de terrain du fait des séismes de faible magnitude dans la region. Chaque année, 500 millions de tonnes de vase se déposent dans les gorges du fleuve et son potentiel hydroélectrique pourrait diminuer à hauteur de 50 %. En outre, si l'envasement est trop rapide, le barrage ne pourra pas contenir les risques d'inondation.
En aval, les sédiments jouaient un rôle d'engrais naturel. En raison de leur diminution, le recours à l'agrochimie devrait s'intensifier aggravant la pollution de l'eau du fleuve. Déjà les niveaux de phosphore et d'azote relevés sont vingt fois supérieurs aux normes. En outre, couplée à la faiblesse du débit ,la réduction de l'apport sédimentaire pourrait faire reculer le delta du fleuve et entraîner la remontée les nappes salées.
Afin de remédier à cette situation, la solution consisterait à déplacer les sédiments ailleurs, mais cela exige des moyens considérables. Deux hypothèses sont à l'étude :
-soit les sédiments seront acheminés en aval du fleuve, ce qui représente une opération logistique titanesque, et mobilisera une énergie comparable à celle générée par le barrage.
-soit ils seront valorisés à proximité du barrage. Mais les sediments sont fortements contaminés. L'aménagement du barrage a en effet conduit à l'engloutissement de 1300 mines de charbon, 178 décharges d'ordures, 1500 abattoirs, etc... De fait, les sédiments offrent une variété inégalée de produits nocifs, de métaux lourds, de microorganismes toxiques, etc. Leur éventuelle valorisation en matériaux de construction nécessiterait des traitements chimiques ardus allant de l'encapsulation des métaux lourds à des formulations inédites. Certes des procédés d'épuration existent mais en raison du volume des sédiments des Trois Gorges, l'opération s'avère colossale et au coût exorbitant.
La pérennité du barrage des Trois Gorges dépend des solutions apportées au traitement des sédiments. Longtemps sous-estimée, cette crainte est désormais prise en compte par les autorités chinoises, qui ont prévu un budget de 1,5 milliard de dollars destiné à stabiliser géologiquement la région.
Pour compléter le tableau, on s'aperçoit que l'immense retenue d'eau est fortement émettrice de Co2 et autres gaz (méthane...) provenant de la décomposition des quantités phénoménales de matières organiques englouties. A ce jour, aucune solution industrielle n'est en mesure d'assurer le traitement des conséquences écologiques du barrage.