Éphéméride , de Chantal Dupuy Dunier (une lecture de Jacques Morin)
Par Florence Trocmé
366 pages pour ce recueil
bissextile. On voit l’angle d’écriture : un poème par jour pour rivaliser
avec le calendrier des rêves. Chantal Dupuy-Dunier s’écrit et se feuillète pour
un an et pour toujours à la ronde. La poésie est au centre de toute chose. La
poésie, ce sont ses mots, qui pèsent leur poids d’encre, mais aussi le souffle
qu’elle inhale et le regard panoramiqueporté alentour. L’année défile, feuille à feuille, dans un clin d’œil,
une respiration lente et des strophes achevées. Les lieux sont indissociables
de la plume. La maison où l’on vit, avec ses arguments domestiques, le jardin
où l’on sort avec ses illustrations botaniques. Et puis les endroits où l’on
voyage, propices à des croquis. Les souvenirs pour marquer la crémaillère du
temps. Les âges résonnent dans l’écho des voix disparues ; un équilibre
bien compris se fait entre présent et passé sur la balance des images. Encreux
rime avec Bonnieux, villages signifiants. Autour, il y a le chant du monde, la
chorale des oiseaux et l’orchestre floral. Tout près, l’homme, attentif et
discret, soudainement embrasé dans la sensualité de la langue et les peaux
putrescibles. On suit la marche de la nature, saison par saison et la lecture
accélère le carrousel des mois. Itinéraire horizontal que croisent d’autres
trajets lorsque Queneau estparodié pour
un exercice de style supplémentaire ou Apollinaire un calligramme impromptu.
Chantal Dupuy-Dunier sait aussi relier ce livre majuscule à ses œuvres antérieures
pour montrer que son écriture forme un tout, homogène et unique. Ne refusant
pas les pactes magiques, elle questionne la mort, sachant qu’elle ne peut
défier l’éternité. Elle a su trouver sa place dans la lignée familiale,
qu’elle assume sérieuse et posée. Elle parle à juste titre de
« recueil-musée » pour les générations à venir. La poésie comme une
façon de passer le temps. A l’infini.
Contribution de Jacques Morin
Chantal
Dupuy-Dunier
Éphéméride
Flammarion
20 €.