Je me demandais pourquoi je n'avais pas la tête à vider le lave-vaisselle. Pourquoi la perspective d'une journée de boulot me laissait circonspect. Pourquoi cela ne me faisait ni chaud ni froid qu'il fasse un peu moins froid et que la météo avait annoncé qu'il ferait un peu plus chaud. Pourquoi Obama, Nico, la semaine de quatre jours et demi, les 1 000 chantiers pour la France, la victoire de Bordeaux, c'était loin, très loin tout cela. Une indifférence sculpturale.
J'ai trouvé.
Nous sommes le 5 février.
Gars de onze ans s'est levé, tout à l'heure. Il va aller à l'école. Il a déjeuné des céréales. Il a onze ans tout pile aujourd'hui.
Chaque année, il me chavire, ce 5 février.
Cette année-là...
Au sortir d'un travail de tous les instants pendant de longues heures, le premier marathon de madame.
J'avais avalé une cinquantaine au moins de truc chaudasses dans un gobelet le temps d'une nuit d'éternité
J'avais passé quelques temps à téléphoner aux uns, aux autres, c'était parfois décousu et souvent sans queue ni tête
J'avais essayé de dormir plié en deux sur un fauteuil, gromelant sur ces "ma"ternités qui niaient à ce point les "pa"ternités
J'avais longtemps tenu la main de madame faute de pouvoir faire mieux et tout s'était accéléré sur les coups de 6 h du matin,
N'y tenant plus, je lâchai d'ailleurs un moment donné la dite main de ma copine en train de devenir mère, pour voir une petite tête jaillir et ouvrir des yeux à la vie
Les larmes de madame, les miennes tues
Le froid, dehors, une brume, sans doute, le temps suspendu, j'avais couru dans les rues mortes de la ville remplie d'un être de plus
J'avais crié ma joie, mon incrédulité aussi, mon bonheur immense et ma peur itou
j'avais dévalisé la maison de la presse pour avoir tout ce qui était estampillé février 1998.
Gars de onze ans a onze ans, bordel. C'est magique. Toujours.