AlloCiné : Est-ce que "BURN-E" a été conçu en parallèle à "Wall-E", ou bien est-ce un projet postérieur ?
Angus MacLane : à mi-chemin de la production, je me suis occupé de l'animation de la scène où l'on voit le robot "BURN-E" en train de faire les réparations dans l'espace. J'ai tellement aimé travailler dessus que j'ai fini par me demander ce qu'il se passait pour lui, alors qu'il se retrouve coinçé en dehors de l'Axiom, le vaisseau. J'avais quelques idées où l'on pouvait caser "BURN-E" dans le long métrage, et j'en ai fait part à Andrew Stanton. Il a trouvé les gags sympas, mais qu'ils ralentiraient trop l'intrigue principale. Il m'a alors suggéré d'en faire plutôt un court-métrage, qui serait présent sur le DVD. La seule chose que nous ayons modifié dans le film, de telle manière que le court métrage se raccorde parfaitement avec, est l'ajout de la lumière que "BURN-E" porte avec lui.
AlloCiné : "WALL-E" sont les initiales de "Waste Allocation Load Lifter Earth-Class", littéralement "Compacteur terrien de déchets". Que signifient celles de "BURN-E" ?
Angus MacLane : "BURN-E" signifie "Basic Utility Repair Nano Engineer". Il a d'ailleurs été question que le "E" signifie "Earth-Class", tout comme c'est le cas pour le "E" de "Wall-E". Mais finalement non. C'est une discontinuité tout à fait intentionnelle, en vue d'alimenter les débats sur le net.
AlloCiné : Avez-vous dû développer de nouvelles textures et de nouveaux outils pour "BURN-E", ou bien avez-vous réutilisé celles existantes dans "WALL-E" ?
Angus MacLane : nous avons utilisé beaucoup de textures déjà présentes dans le film et facilement reconnaissables. Le hall de l'Axiom par exemple, présent dans "BURN-E", était en fait un décor non utilisé dans le film. Nous avons donc dû le développer entièrement. Notre intention était de donner un cachet "Old school" à l'ensemble, un aspect mélangeant le côté Sci-Fi et le vétuste, qui contrastait beaucoup avec l'aspect global de l'Axiom. Toutefois, nous avons quand même dû créer de nouvelles textures pour le robot supérieur de "BURN-E", "SUPPLY?R".
AlloCiné : il y a une scène dans "BURN-E" qui rappelle beaucoup "2001 : l'odyssée de l'espace". Est-ce intentionnel ?
Angus MacLane : en fait, tout le court-métrage est une sorte d'hommage aux classiques de la SF des années 60 et 70. Etant donné que le saut en hyper-espace s'effectue la plupart du temps hors champ dans le film, on a donné libre court à notre imagination pour déterminer quels effets on pourrait lui donner. Je voulais avant tout que le saut en hyper-espace ait un style à l'ancienne, comme avec de vieux effets d'optique.
AlloCiné : vous êtes-vous inspiré d'un quelconque modèle de robot existant pour le design de "BURN-E" ?
Angus MacLane : tous les robots qui peuplent l'univers de WALL·E sont avant tout destinés à être fonctionnels. Ensuite seulement ils deviennent des personnages à part entière. Etant donné que "BURN-E" est un robot soudeur, nous avions tous les accessoires de soudure en tête lorsque nous l'avons créé : il porte ainsi un casque, une pince, un chalumeau, ainsi qu'une réserve de gaz qu'il porte sur son dos.
AlloCiné : l'avancée technique des outils informatiques rend-t-elle finalement votre travail plus facile ou difficile ?
Angus MacLane : les progrès techniques rendent les choses beaucoup plus rapide tout en ouvrant de nouvelles possibilités. Pour certaines raisons toutefois, l'appétit pour les nouveaux outils est lié à l'avancée technologique. Par exemple, il y a dix ans avec Le Joueur d'échecs, la création des vêtements prenait énormément de temps pour un résultat acceptable. Beaucoup trop de temps en fait. En revanche, les stations de travail étaient capable de créer un excellent rendu de la surface d'insectes par exemple. C'est notamment pour cette raison que nous avons fait 1001 Pattes. A présent, nous pouvons faire des films comportant un très grand nombre de textures de vêtements; c'est nettement plus facile. Mais paradoxalement, cela fait encore plus de travail !
AlloCiné : aviez-vous une équipe de production spécifique sur "BURN-E" ?
Angus MacLane : non; toute l'équipe était constituée de personnes ayant travaillé sur WALL·E. Dans la plupart des cas, ils ont d'abord travaillé sur le long métrage, avant de se consacrer pleinement à "BURN-E"...sans oublier de prendre un peu de vacances et de repos entre les deux !
AlloCiné : Qu'est-ce que vous aimez le plus dans l'animation ? Quelles sont vos influences et vos sources d'inspiration ?
Angus MacLane : j'apprécie surtout une animation "honnête", pas forcément tape à l'oeil. J'aime les mouvements qui servent la narration, qui la font avancer, qui ne sont pas gratuits et par conséquent totalement inutiles. L'animation sert avant tout l'histoire, et non l'inverse ! Pour ce qui est de mes influences, j'apprécie une large palette d'artistes : de Chuck Jones à Bill Plympton. Je suis nettement moins intéressé par l'animation en image de synthèse. Pour une raison très simple : c'est parce que j'en fait tout le temps au travail ! J'ai récemment été particulièrement impressionné par le travail en images de synthèses du studio des Gobelins, à Paris, sur la série animée Pocoyo.
AlloCiné : dans la première partie de "Wall-E", il n'y a aucune dialogue; l'animation seule est en quelque sorte le "personnage" du film, pendant près de 40 min. Est-ce que ce film constitue le plus gros challenge dans votre carrière ?
Angus MacLane : WALL·E a effectivement constitué un énorme défi; mais avant tout scénaristique. J'ai travaillé avec le scénariste pendant neuf mois, et rien que ça ca constitue un plus gros défi que tout le travail sur l'animation ! Les animations dans "Wall-E" et "BURN-E" sont vraiment incroyables, mais leurs succès dépendent avant tout du contexte de l'histoire. Par exemple, si vous regardez la scène du court métrage où "SUPPLY?R" laisse tomber par terre la lampe de remplacement, vous arrivez parfaitement à saisir les sentiments de "BURN-E", basés sur le contexte de l'histoire. Réussir à faire passer cette histoire dans le storyboard sans aucun dialogue, ça c'est quelque chose de très difficile.
AlloCiné : êtes-vous un fan de Blu-ray, et plus largement de la haute définition ?
Angus MacLane : je suis un inconditionnel, et-ce pour deux raisons. La première, c'est que ce type de support permet aux spectateurs de visionner nos films comme nous le voulions. Ensuite, la capacité de stockage du support permet d'offrir aux fans des tonnes de choses en plus. Enfin ce qui ne gâche rien, c'est que la piste sonore du Blu-ray est exceptionnelle.
AlloCiné : envisagez-vous de réaliser intégralement un prochain film animé pour Pixar ?
Angus MacLane : J'adorerai faire cela; mais il y a avant une tonne de projets à concrétiser ! J'ai eu la possibilité de travailler aux côtés de Peter Docter sur l'animation de notre prochain film, Là-haut, peu de temps après avoir terminé mon travail sur "BURN-E". Ensuite, je vais enchaîner sur la pré-production de Toy Story 3. Je ne peux hélas pas vous dire grand chose de plus sur ces deux projets, mais je peux vous assurer qu'ils seront exceptionnels !
A bientôt !