C’est maintenant devenu une habitude entre la bûche de Noël et la galette des rois, l’inévitable crise gazière annuelle entre la Russie et l’Ukraine. Que celle-ci soit plus importante que les précédentes n’étonnera personne en ces temps de crise économique ; la Russie se raccrochant à ses valeurs sures dont, bien entendu, le gaz.
La question économique est bien sûr prégnante dans cette affaire, mais elle cache divers autres intérêts parmi lesquels le problème de Sébastopol, base de la flotte russe de la mer Noire, dont le bail expirera en 2017, et que la Russie veut à tout prix conserver. En effet, si la Russie venait à se voir expulsée de Crimée, elle perdrait de fait tout accès à la Méditerranée. Mais aussi les projets russes de nouveaux gazoducs à destination de l’Europe : North Stream (reliant Russie et Allemagne via la Baltique) et South Stream (reliant Russie et Europe du Sud par la mer Noire), dont la discréditation de l’Ukraine, accusée régulièrement de ne pas payer ou de siphonner le gaz, pourrait accélérer la construction.
La vraie nouveauté de cette crise c’est l’exaspération d’un certain nombre de pays sur le trajet du gazoduc actuel qui se retrouvent pris en otage par l’affrontement russo-ukrainien : Pologne, Slovaquie, République Tchèque, Autriche, tous pris à la gorge en plein hiver, obligés de se demander comment assurer la pérennité de leur approvisionnement énergétique. Alors que jusqu’à présent le gaz russe se présentait comme une solution avantageuse, il devient de plus en plus problématique. De fait, certains d’entre eux commencent à se réintéresser très sérieusement à la solution nucléaire. La Pologne et la Slovaquie, tenants du nucléaire à l’époque soviétique, lorgnent vers deux solutions opposées : réactiver les anciens réacteurs ou en construire de nouveaux.
Il semble assez impensable que des pays de l’UE puissent réactiver des réacteurs nucléaires de technologie soviétique, proches ou identiques à celui, tristement célèbre, de Tchernobyl. En effet il apparait bien plus probable que ces pays, pour rassurer une opinion publique toujours méfiante sur la question nucléaire, se tournent vers de nouvelles centrales, plus efficaces et surtout plus sures. Dans cette optique Areva, si elle manœuvre efficacement, pourrait bien s’ouvrir un nouveau marché et s’implanter en Europe centrale et orientale, zone jusqu’ici chasse gardée économique et politique de l’Allemagne depuis les années 60 (1).
Nicolas Mazzucchi
- Etude EGE sur les brevets technologiques en Europe Centrale et Orientale, décembre 2008.