Fiscalité : en cas de oui le 8 février Vaud sera moins infernal

Publié le 04 février 2009 par Francisrichard @francisrichard

Le 8 février prochain, dans le canton de Vaud, on ne votera pas seulement sur la reconduction et l'extension de la libre circulation - j'en ai parlé sur ce blog à trois reprises ( ici  , ici et ici ) - on votera également sur deux lois cantonales qui devraient alléger un peu la pression fiscale pesant sur les malheureux contribuables vaudois, dont je suis.
On votera le 8 février sur ces deux objets cantonaux parce que "la gauche de la gauche" vaudoise a réussi à réunir, dans les deux cas, plus que les 12'000 signatures nécessaires pour que le peuple soit consulté par référendum. En fait, alors que les deux lois avaient été adoptées par le Grand Conseil les 2 et 9 septembre derniers, dès le 10 novembre, avant que le délai maximum de 4 mois ne soit écoulé, la récolte des signatures a abouti, avec plus de 13'000 signatures pour chaque référendum, 26'747 signatures au total.
La comparaison inter-cantonale en matière fiscale n'est pas favorable au canton de Vaud. Aussi le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont-ils voulu remédier à trois défauts majeurs de la lourde fiscalité actuelle.
Le premier défaut est relatif aux gros contribuables qui pourraient être tentés d'aller se faire moins étriller ailleurs. C'est l'objet de la loi du 2 septembre 2008, modifiant celle du 5 décembre 1956 sur les impôts communaux.
A l'instar de la mesure adoptée dans la France de Sarkozy, un bouclier fiscal a été adopté, sous réserve bien entendu que le référendum de dimanche ne le rejette pas. La disposition mise en place est simple : "elle prévoit que l'impôt cantonal et communal sur le revenu et sur la fortune des personnes physiques ne peut dépasser au total 60% du revenu net [c'est moi qui souligne]" (voir la brochure explicative ici). Avec l'IFD (Impôt Fédéral Direct) la facture pourra en fait monter jusqu'à 71,5% !
L'énoncé de cette simple disposition montre bien que le Canton de Vaud n'est pas le paradis fiscal que dénonce le comité référendaire, composé essentiellement de la fine fleur de "la gauche de la gauche", c'est-à-dire, pour ne pas manier la langue de bois, de l'extrême-gauche : les syndicats SSP et SUD, le POP (communiste), SolidaritéS, Gauche anticapitaliste. Ne faisant pas partie de ce comité couleur rouge vif, le rose Parti Socialiste invite à rejeter ce seul bouclier fiscal.
Comme le dit fort justement le président de la Chambre Vaudoise de Commerce et d'Industrie, Bernard Rüeger, dans le n°1 de 2009 du journal de cet organisme : "Actuellement, il n'y a aucune limite, ce qui a conduit des contribuables fortunés à aller voir ailleurs, soit à l'étranger, soit dans les cantons qui ont déjà adopté un tel plafond. Il ne faut pas être dupe. Si rien n'est entrepris, l'érosion du nombre de contribuables continuera et les pertes potentielles - actuellement 100 millions de recettes fiscales annuelles - devront être comblées soit par une diminution des prestations, soit par des hausses d'impôts de la classe moyenne et des entreprises".
A ce sujet je rappelle ce que dit Pascal Salin dans une récente étude (voir mon article Pour Pascal Salin la crise financière est due à l'interventionnisme ) à propos des hausses d'impôts qui sont envisagées par Obama et qui visent les hauts revenus, avec pour conséquence un ralentissement économique : "La raison en est que dans n'importe quelle société, toutes les personnes sont interdépendantes : si l'on décourage un entrepreneur d'investir et de créer de nouveaux emplois, cela entraîne un taux de croissance plus faible et un taux de chômage plus élevé".
Le flyer des partisans du "oui aux baisses d'impôts équilibrées" fait à ce propos une comparaison éloquente : "Le départ d'un seul contribuable important et de sa famille (4 personnes) avec un revenu net de CHF 800'000.- et une fortune de 100 millions devrait être compensé par plus de 98 contribuables et leurs familles avec un revenu brut de CHF 70'000 chacun (revenu imposable: CHF 41'600.-)."
Lors d'un débat organisé par 24 Heures ( ici ) qui opposait le 29 janvier dernier David Gygax, secrétaire du syndicat gauchiste SSP, à Pascal Broulis, Conseiller d'Etat en charge des finances, ce dernier rappelait que "dans le canton de Vaud, en 2005, 0,3% des contribuables ont payé 10% de l'impôt sur le revenu, et 4% des contribuables ont payé 66% de celui sur la fortune". 
Le deuxième défaut est similaire au premier : les entreprises sont ici moins bien traitées qu'ailleurs. Il faut donc les retenir en se montrant un peu moins gourmand et surtout plus concurrentiel. C'est un des volets de la loi du 9 septembre 2008, modifiant la loi du 4 juillet 2000 sur les impôts directs cantonaux.  
Les cantons voisins tels que le Valais, Genève et Fribourg ont réduit l'imposition des dividendes. Actuellement, rappelait encore Pascal Broulis à David Gygax, "celui qui a une fortune importante, affectée à une entreprise la voit fiscalisée jusqu'à 300% de ses revenus [c'est moi qui souligne]". Ce qui est tout simplement confiscatoire. Et décourageant, même pour les gros contribuables dotés d'une forte abnégation. 
Fort heureusement, comme on l'a vu, le bouclier fiscal envisagé plafonnera la ponction à 71,5% du revenu net, IFD inclus. Parallèlement une mesure s'appliquera à ceux qui détiennent au moins 10% d'une société : ils ne seront imposés à la fortune qu'à 60% de leur valeur. Ce faisant les barèmes vaudois resteront tout de même supérieurs de 10% aux barèmes fédéraux.
Je passe sur les mesures supplémentaires en faveur des entreprises. L'internaute intéressé pourra toujours consulter la notice explicative ( ici ). Il s'agit en fait de modifications destinées à adapter la législation cantonale à la législation fédérale.
Le troisième défaut est relatif à la surcharge fiscale que subit la classe moyenne. C'est un autre volet de la loi du 9 septembre évoquée plus haut. 

"En comparaison inter-cantonale, le canton de Vaud est particulièrement favorable aux faibles revenus (76'000 personnes ne paient pas d'impôt, soit un contribuable  sur cinq). Par contre la classe moyenne subit une pression fiscale supérieure à la moyenne suisse. Le Conseil d'Etat et le Grand Conseil ont voulu remédier à ce déséquilibre par une nouvelle déduction sociale d'une part, et, d'autre part, en permettant aux parents de déduire plus largement les frais de garde de leurs enfants" (voir la notice explicative ici ).

La déduction sociale s'élèvera à CHF 1'300.- par couple marié plus CHF 1'000.- par enfant à charge, ce jusqu'à CHF 116'000 de revenu, la déduction étant réduite de CHF 100.- par tranche de CHF 2'000.- de revenu supplémentaire. Quant aux frais de garderie le montant déductible passera de CHF 1'300.- à CHF 3'500.-, sur justificatif.

Un tableau figurant dans la notice explicative montre que l'impact sur le montant total de l'impôt sur le revenu des personnes physiques n'est pas négligeable et qu'il représente une baisse d'impôt comprise entre 9 et 43% pour des revenus de plus en plus modestes.
Le rose Parti Socialiste ne demande pas le rejet du paquet fiscal que constitue la loi du 9 septembre en raison de ce volet en faveur des familles.

Les deux grandes leçons à tirer de ces deux lois sont les suivantes :
- la fiscalité du canton de Vaud est tellement lourde qu'il faut bien l'alléger si l'on ne veut pas finir par décourager les bonnes volontés.
- le canton de Vaud n'est pas un paradis fiscal : si ces deux lois passent il sera tout juste moins infernal, fiscalement parlant.
Francis Richard

L'internaute peut écouter sur le site de Radio Silence (ici) mon émission sur le même thème.

LE 8 FEVRIER 2009 :
Le bouclier fiscal a été accepté par 61,75% des voix
Les baisses d'impôts relatives aux familles et aux entreprises ont été approuvées par 70,7% des voix.