Avec la criiiiise, l'ouragan s'est abattu sur la Fraônce alors que les petits bateaux politiques étaient de sortie ; les bourrasques se sont bien vite muées en violentes rafales et les équipages, au début solidement accrochés à leurs navires, servent maintenant de drapeaux, fouettés par le vent, alors que des paquets d'eau bouillonnante manquent à chaque seconde de les faire définitivement passer par-dessus bord. Pour chaque bateau, la situation est tragique. Mais alors que les équipages sont malmenés par les éléments, sur le bateau PS, on lutte différemment mène une alterlutte contre la tempête. On a organisé une partie de catch.
Et tant qu'à faire dans le combat démonstratif, autant choisir la version cinémascope. Les affrontements se succèdent donc à un rythme soutenu, et chacun s'empresse bien vite de distribuer des pruneaux dont le calibre augmente singulièrement à mesure que les élections européennes approchent.
Sans repartir en détail dans la douloureuse chronologie socialiste, on rappellera au lecteur nonchalant que le Parti Socialiste Français (les collectivistes de gauche) est un micro-parti d'énarques quinquagénaires et pour certains botoxés, composé essentiellement d'une petite clique de bourgeois désirant plus que tout favoriser la solidarité des uns avec l'argent des autres. Son assise militante - pourtant large mais sans importance pour les caciques - est totalement dévouée à l'érection d'un présidentiable providentiel qui tarde diablement à se montrer. Ce parti, formidable usine à gaz de guerre électorale, subit depuis maintenant plus d'un an des mouvements tectoniques importants destinés à déterminer si c'est la Dinde ou la Pintade qui font un meilleur plat de résistance. Après de longs débats, le consensus s'est établi pour la Pintade. Mais la Dinde vitupère.
En effet, rien ne se passe comme prévu : il était écrit depuis longtemps pour que la pudibonde du Poitou devait s'emparer de la présidence française. Mais las, ses concitoyens sont des cons machistes de droite, ce qui a gêné sa progression. La Royal Air Force a donc choisi l'aéronavale : puisqu'elle ne peut être directement envoyée dans les plus hautes sphères depuis le sol, elle a choisi de s'y faire catapulter depuis un porte-avion amiral, sis rue Solférino.
Manque de bol là encore : la catapulte s'est enrayée et le moteur de l'appareil a gobé une mouette. Et de bidouillolènes en aubrycolages, c'est Martine qui décroche la timbale.
Caramba, encore raté.
Triste et désemparée, notre pauvre double-perdante va pleurnicher dans les bras d'Obama, prétend-elle, et se venge en nous infligeant un livre. C'est salvateur : les comptes de la Sécu sont au rouge vif, et une thérapie coûte bien plus cher qu'un nègre. Et puis, les meilleures feuilles de l'ouvrage, assez vif à l'égard de ses ennemis, dressent un piquant portrait de la Charento-Poitevine.
Tellement piquant que même ses amis tentent maintenant les manœuvres d'évitement. Peillon, pourtant fidèle premier-couteau de la dame aux caméras, semble bien en peine pour justifier encore sa présence à ses côtés. D'ailleurs, il lui souhaite toute l'autonomie possible. De prendre du champ, en quelque sorte. D'aller sonder les cœurs brésiliens (et svp restez là-bas).
Dans ce pataquès des élites, qui, qui, qui sera là pour redonner au PS un semblant de cohérence ? Qui va faire enfin pencher la barre à gauche, toutes, alors que la crise se déchaîne ?
Un socialiste infiltré dans le gouvernement Fillon, peut-être, comme Kouchner ? Zut. Crotte ! Lui aussi est dans la bouillasse : sentant le frêle esquif socialiste trop petit pour ses ambitions, il l'avait quitté d'un saut altier pour rejoindre le bateau sarkozyste. Mais son sulfureux passé semble avoir enjambé le bastingage avec lui, et le rattrape maintenant. Combien de temps s'écoulera avant qu'on retrouve notre petit Bernard, seul en pleine mer démontée, gilet de sauvetage orange autour du cou, pagayant comme un fou dans un petit canot gonflable ?
Alors, qui sauvera le PS ? Un leader naturel, une bête de scène socialiste, un homme à poigne providentiel ? Personne en vue... Dominique fait une crise au FMI, il est trop occupé. Laurent boude. Méchancon, dans un bref instant de lucidité, s'est sabordé en confondant panache et ridicule.
Alors, peut-être un leader par défaut, un mieux que rien ? F. (comme Flamby), l'autre pays du fromage ? Il tente le coup. Il se lance dans un essai, petite bouteille jetée à la mer lorsque les creux de douze mètres commencent à donner des reflux gastriques. Il ose. Et ce sera ... un grenelle de la relance. Patatras. Ou plutôt, plouf. Encore un échec : inaudible et déjà oublié, le petit François proposait, derrière ce terme sépia déjà vieux de 40 ans, une sorte de grand goûter d'anniversaire citoyen et festif où les forces vives de la nation[1] se rassemblent pour papoter de leurs listes de Noël.
Alors voilà. Le PS en est réduit à se raccrocher aux chimères d'Outre-Atlantique, cherchant dans un étranger le proverbial homme providentiel qui ouvrira les eaux, calmera la tempête et sauvera le parti. Après tout, il est présenté comme "de gauche" et il a su incarner un élan populaire notable dans une des plus grandes démocraties du monde. Oui, certes, l'homme de gauche en question serait, dans le paysage français, plus à droite que Sarkozy, mais ce n'est pas important : Obama va sauver le monde en reprenant les idées de la Royal Air Force.
Ah, non, zut, lui aussi commence à patauger dans les gaffes, bévues et boulettes, et donne un nouveau tour à son changement : pour le moment, il change très très vite de personnel ou de conviction.
Bref. C'est la déroute.
Vous me direz : bon, à droite, au moins, on sait où on va.
Bof. Ce serait vrai si Sarkozy n'ouvrait pas sa grande g. Se mettre en difficultés avec des amis sur un sujet que personne n'avait prévu d'aborder, cela demande un certain génie dans l'inapproprié. Je ne serai pas surpris qu'un jour, une fois la crise finie, ceux des chefs d'états qui se seront distingués par leur sang-froid et leur bon sens invitent, à tour de rôle, le mercredi soir par exemple, le président français, pour le faire parler...
A ne pas en douter, vu de près et de loin,
ce pays, c'est certain, sent toujours le sapin.
Notes
[1] D'ailleurs, je voudrais savoir : c'est qui, exactement, les forces mortes de la nation ?