Invité ce matin par Jean-Pierre Elkabbach sur Europe1, Eric Besson qui a
pris avec enthousiasme le relai de Brice Hortefeux au Ministère de
l’Immigration y a notamment évoqué les filières mafieuses qui introduisent des
immigrés clandestins en France.
Curieux hasard du calendrier comme on dit, une intervention policière de
grande envergure avait eu lieu le matin même : « une vaste opération
de démantèlement d'une filière clandestine très importante d'origine
asiatique » selon Besson.
Cette opération « providentielle » a évidemment été l’occasion
pour Eric Besson de mettre en avant un aspect que beaucoup de détracteurs de la
politique d’immigration de Sarkozy préfèrent ne pas voir, c'est-à-dire le coté
criminel de l’immigration clandestine.
A partir de là, Jean-Pierre Elkabbach a enchainé sur ce sujet, posant des
questions sans intérêt et manifestement improvisées du type « existe t-il
également des filières maghrébines ou africaines ? » et délaissant par là
même les vraies questions posées par l’immigration clandestine ou non.
Questions qu’il aurait été d’autant plus utile de poser que le pays est
franchement divisé sur ce sujet important qui nécessiterait pourtant un
consensus.
Du coup, un doute m’a effleuré l’esprit : Est-ce réellement un hasard
si la « vaste opération de démantèlement d'une filière clandestine très
importante d'origine asiatique » a eu lieu le matin de l’interview ?
et si non, est-ce la date de l’interview qui a été fixée en fonction de la date
de « la vaste opération… » ou l’inverse ? Question
corollaire : qui a réellement décidé de la nature de cet entretien et de
sa date ? Est-ce Jean-Pierre Elkabbach ou Eric Besson ?
Bon, là n’est pas vraiment ce qui m’a amené à empoigner mes 10 2
doigts pour écrire ce petit billet.
Non, ce qui m’a fait sursauter vient après.
Après avoir bien commenté la « vaste opération de démantèlement d'une
filière clandestine… », Eric Besson fait dans la foulée l’annonce
suivante : "nous allons donner aux préfets la possibilité d'accorder des
titres de séjour provisoire aux clandestins victimes de filières clandestines
qui décideraient de les dénoncer".
Ce n’est pas l’annonce en elle-même qui m’a interpellée, même si elle
confirme que la date de la « vaste opération de démantèlement d'une
filière clandestine très importante d'origine asiatique » n’a pas été
fixée par hasard puisqu’elle était là à la fois pour orienter les questions
d'Elkabach et pour justifier cette annonce.
Sur son principe, rien ne me choque, même s'il m’étonnerait que cette
proposition rencontre un gros succès de la part des clandestins (crainte des
représailles, crainte de la police française, solidarité vis-à-vis de
compatriotes…).
Non, ce qui m’a fait sursauter, c’est la vive réaction de Jean-Pierre
Elkabbach qui s’est exclamé soudainement et avec force : « C’est de
la folie » ! …si, si « C’est de la folie » comme ça, devant un
ministre de la République probablement médusé (c’était à la radio alors
difficile de savoir) ! … et d’insister en parlant de « récompenser la
collaboration » ou en utilisant les termes particulièrement connotés de
délation ou dénonciation !...c’est tout juste si il n’a pas évoqué la Milice
française ou la Gestapo !
Manifestement, dans l’esprit de Jean-Pierre Elkabbach, le fait pour un
clandestin d’aller dénoncer à la police les exploiteurs qui l’ont dépouillé et
probablement maltraité, est assimilable aux agissements des "bons" français qui
ont dénoncé les juifs et les Résistants durant l’occupation !
Cette réaction, on y a déjà eu droit l’année dernière, lorsque la Police
avait promis une récompense pour ceux qui dénonceraient les auteurs des coups
de feu tirés contre des policiers lors des affrontements à
Villiers-le-Bel.
Que l’on ne fasse pas de la « dénonciation » des petits
« travers » de son voisin un acte courant et honorable, bien entendu,
mais aider la police à neutraliser des criminels avérés ne me semble pas
indigne. Et même si elle peut répondre à d’autres motivations moins
désintéressées, la dénonciation d'un criminel constitue une forme de civisme
tout à fait respectable et quelque fois courageuse !
Il est quelque peu contradictoire d’exiger de la police qu’elle assure la
sécurité de tous et de dire ensuite « elle n’a qu’à se débrouiller, après
tout c’est son boulot, ce n’est pas mon problème » !
Sans oublier les leçons de l’histoire, on peut considérer qu’il y a des cas ou omerta ne signifie ni courage, ni moralité mais plutôt individualisme, égoïsme voire même complicité !