“Certaines substances chimiques omniprésentes dans l’environnement pourraient favoriser l’obésité en agissant sur le fœtus.
La pollution peut faire grossir les enfants. C’est la conclusion troublante d’une nouvelle étude espagnole publiée dans la revue Acta Paediatrica. Les chercheurs espagnols viennent de montrer que l’exposition à divers produits chimiques courants avant la naissance prédispose les enfants à être gros plus tard, contribuant ainsi à l’épidémie mondiale d’obésité.
En 2005, on recensait dans le monde 400 millions d’adultes obèses. La principale raison avancée est que les obèses consomment plus de calories qu’ils n’en brûlent. Mais de plus en plus de données montrent que le régime alimentaire et le manque d’exercice, bien que déterminants, n’expliquent pas à eux seuls le développement rapide de l’épidémie.
La nouvelle étude espagnole prouve que la pollution est un facteur tout aussi important de prédisposition au surpoids. Pour arriver à cette conclusion, les chercheurs ont mesuré le niveau d’hexaclorobenzène (HCB), un fongicide, dans le cordon ombilical de 403 bébés nés sur l’île de Minorque. Les mesures ont été faites avant la naissance des enfants, pour mesurer l’exposition à ces substances pendant la grossesse. Ceux qui avaient les taux les plus élevés étaient deux fois plus nombreux à être obèses à l’âge de 6 ans et demi.
Le HCB, qui était principalement utilisé pour traiter les semences, a été interdit dans le monde entier depuis que ces enfants sont nés. Mais il persiste dans l’environnement et se retrouve dans la nourriture.
L’aspect le plus important de cette étude n’est pas tant l’identification du rôle joué par une substance chimique particulière que ce qu’elle dévoile sur ce qui peut se passer si le fœtus est en contact avec plusieurs de ces produits. Ces substances incluent les composés organostaniques (comme le tributylétain), longtemps utilisés dans les antifoulings (peintures « antisalissures » destinées à empêcher les organismes marins de se fixer sur la coque des navires), que l’on retrouve couramment aujourd’hui dans la chair des poissons, le bisphénol A (BPA), utilisé entre autres dans la fabrication des biberons et pour le revêtement interne des boîtes de conserve, et les phtalates, présents dans les cosmétiques, les shampoings, les films en plastique servant à envelopper les aliments.
Ces polluants, qualifiés d’ « obésogènes » après ces dernières découvertes, sont tellement répandus que presque tout le monde aujourd’hui en à dans le corps : 95% des américains ont du BPA dans leurs urines et 90% des bébés ont été exposés à des phtalates lorsqu’ils étaient dans le ventre de leur mère. Et tous les cordons ombilicaux analysés par les scientifiques espagnols contenaient des pesticides organochlorés comme le HCB.
Deux études américaines avaient déjà établi un lien entre les phtalates et l’obésité chez les hommes adultes, mais les travaux de l’équipe espagnole sont beaucoup plus concluants : ils sont les premiers à montrer les effets d’une exposition à ces substances dans le ventre maternel, où l’être humain est le plus vulnérable.
Personne ne sait de quelle façon le HCB provoque l’obésité. Les chercheurs espagnols pensent qu’il provoque peut-être un diabète gestationnel chez les mères, ce qui augmenterait les risques d’obésité chez les enfants. Le Dr Myers pense quant à lui que les obésogènes activent et bloquent certains gènes du fœtus, provoquant notamment la transformation de cellules souches en cellules adipeuses. Les enfants ont alors une plus grande prédisposition à stocker et à accumuler de la graisse.”
Extraits de l’article de Geoffrey Lean paru dans The Independent et publié dans le Courrier International n° 939 de novembre 2008