Retrousser les manches (2)

Publié le 04 février 2009 par Malesherbes
Dans mon précédent billet, je m’étais intéressé aux personnes privées d’emploi. Dans celui-ci, je vais considérer une autre classe de travailleurs. Non pas ceux qui sont attachés à une chaîne de montage, à quelque outil, à un téléphone, à un écran d’ordinateur, mais plutôt ceux qui jouissent d’une relative liberté et ne sont pas rivés à un poste de travail. Ingénieur technico-commercial, je fus de ceux-ci. Je partageais mon temps entre des visites à des clients, des présentations devant des auditoires variés, des réponses à des d’appels d’offres, des cours. En fait, tous ces intitulés ne comptent guère. L’important, c’est que ceci m’imposait d’organiser mon temps et, pour ce faire, je disposais d’un auxiliaire précieux, un agenda. Lorsque j’étais sollicité pour quelque mission, je consultais cet agenda et, le plus souvent, il m’était impossible de fixer une date avant deux, voire trois semaines. Imaginez-vous, j’étais occupé, je travaillais ; pour parler comme ce très cher Woerth, je me retroussais les manches.
Depuis bientôt vingt-et-un mois, j’ai le privilège de contempler un magicien qui n’a pas à ce soucier d'un agenda. Il est capable, à tout instant, de :
- recevoir les parents d’un enfant assassiné,
- honorer des soldats tués en Afghanistan, si toutefois on peut oublier l’éternel rictus satisfait qu’il n’a pu réprimer même en cette circonstance,
- signer des contrats décrochés par d’autres, parfois en mendiant au passage un stylo pour sa collection,
- se ruer à l’Est pour se faire abuser par Poutine,
- se précipiter au Moyen-Orient en pensant pouvoir régler un conflit vieux de soixante ans,
- imposer sa présence dans une assemblée syndicale des propriétaires de Cap Nègre sans faire partie des dits-propriétaires,
- déclamer partout à travers la France des discours écrits par d’autres,
- donner des grandes claques dans le dos à des dirigeants étrangers, seul moyen de communication disponible faute d’une maîtrise de la langue étrangère exigée de la plupart de nos cadres,
et j’en passe.
Ma première réaction est d’être émerveillé. La seconde est de m’interroger. Comment peut-on être si parfaitement disponible ? Je ne vois qu’une explication. On n’est prêt à tout moment à bondir dans le premier avion venu qu’avec un agenda vierge ou bien en n’honorant pas ses rendez-vous. Tout cela laisse-t-il un temps pour l’étude, l’examen des dossiers, la réflexion ?
Bien sûr que non, cela se remarque d’ailleurs dans ce perpétuel mouvement brownien, ces annonces, replis, contre-annonces, cette agitation qui se croit action.
Vous avez bien raison, M. Woerth, tancez un peu votre président, qu’il se retrousse les manches, qu’il cesse de bouger, et qu’il bosse.