Quand le grand capital devient écolo...

Par Tournesol

Avec France Inter, la chronique de Bernard Maris, journaliste et écrivain. Qui raconte comment Nestlé a convaincu agriculteurs et élus municipaux de Vittel de se mettre au vert afin de baisser ses coûts de production...



(photo : Pedro Angelini - Flickr - cc)

C'est une histoire racontée par le journal Libération, sous la signature de Lise Barnéou, et elle est exemplaire. Pour tous ceux qui ont aimé le tiers monde - et j'en suis - Nestlé c'est le grand méchant exportateur de lait en poudre qui tue les productions locales de lait en Amérique du Sud et en Afrique et colle des gastros aux enfants. Et voila que Nestlé achète la source Vittel en 1992 et qu'autour de cette source, il y a des producteurs de maïs - surtout des producteurs de maïs - qui sont de gros pollueurs, car ils utilisent des engrais. Donc l'eau de la source Vittel devient riche en nitrates. Or la source Vittel, c'est, tenez vous bien... 1,3 milliards de bouteilles. Que faire ? Je vous le demande.
« Devenir partenaire plutôt qu'adversaire »
La guerre. D'abord racheter les terres autour de Vittel et les mettre en jachère, c'est cher, et puis c'est des milliers d'hectares, et puis, variable que n'avait pas pris en compte Nestlé, certains agriculteurs aiment leur métier et leur indépendance, et en plus ils détestent Nestlé, prototype de la multinationale capitaliste, même si Nestlé leur fait des ponts d'or. Deuxième étape, les convertir à une agriculture bio, ou au moins à une agriculture supprimant les produits phytosanitaires et les engrais. Comment ? En investissant avec eux. En prenant en charge le compostage et l'épandage « bio », bref en devenant partenaire, plutôt qu'adversaire. En travaillant avec les organismes de recherche, l'Inra, par exemple. Ca marche. Mais c'est pas fini.
Troisième étape, les pouvoirs publics. Autour de Vittel, il y a des golfs, des centres équestres, des hippodromes, des espaces verts, des villes, et des humains dans les villes. Et voila que les édiles découvrent le désherbage thermique, les coccinelles pour lutter contre les pucerons, les rapaces, comme le grand-duc et le hibou qui limitent la prolifération des mulots. Tout ça c'est Nestlé, les écolos et les chercheurs qui le recommandent, en échange de quoi les maires reçoivent... devinez ? La taxe professionnelle de Nestlé qui représente 70% des taxes pros du coin.
Moralité : les agriculteurs sont devenus bios, les golfs écolos, et Nestlé fait son beurre : car l'affaire lui coûte, tenez vous bien, moins d'un centime par litre d'eau de Vittel vendue... nette de tout nitrate.
Moralité de la moralité : en économie, les coopérations sont souvent meilleures que la compétition.