Manhattan transfert : ce que vous ne savez pas encore sur le 11 spetembre

Publié le 04 février 2009 par Anomalie
Dans un dossier enthousiasmant qui récapitule l’ensemble des théories du complot entourant le 11 Septembre, et qui s’attache à les démythifier de manière implacable, Rue89 ne nous apprend certes pas grand-chose, mais fait œuvre de salubrité publique, une bonne fois pour toutes. L’occasion pour nous de remettre sur le devant de la scène un excellent article de Slimane Zeghidour, publié sur son site Deus Ex Machina il y a 6 mois. Ils sont rares, ces articles qui relaient la petite information passée inaperçue, au terme d’une investigation de chineur, fourmillant de détails passionnants. Certains articles racontent l’Histoire ; Slimane Zeghidour s’arrête, lui, sur la petite histoire, de celle qui ravit la curiosité et étanche la soif de savoir. Vous pensiez ne plus rien pouvoir apprendre de nouveau autour du 11 Septembre ? Détrompez-vous : avec Slimane Zeghidour, attendez-vous à apprendre !

Sept ans après l’attentat contre les Twin Towers de New York, les essais d’explication du « pourquoi » de l’attaque terroriste la plus dévastatrice, loin de se tasser, explosent, surtout sur le Net. Contre-enquêtes, « révélations », aveux d’agents secrets, portraits « intimes » d’Oussama Ben Laden, rumeurs loufoques et autres délires de complots abondent de toutes parts, à jet continu.
Noyé dans ce flot d’ouvrages, un détail – mais de taille – a failli passer inaperçu, n’était la sagacité d’une poignée d’observateurs. Il vaut pourtant amplement le détour. Qu’on en juge : le « père » des Tours Jumelles, l’architecte Minoru Yamasaki (1912-1986), a longtemps travaillé pour… le père d’Oussama Ben Laden, le constructeur attitré de la famille saoudite. Mieux, il a indiqué avoir conçu l’ensemble du World Trade Center en s’inspirant du Haram : la Grande Mosquée de La Mecque ! Retour en arrière. Tournant 1960, Minoru Yamasaki foule le sable d’une Arabie saoudite encore pauvre mais qui voit déjà grand, grisée par l’extraction alors en plein essor de l’or noir. Qualifié de régime « rétrograde » par l’Egypte « progressiste » de Nasser à laquelle l’oppose une véritable guerre froide, le royaume wahhabite s’engage à relever le défi d’incarner l’avant-garde arabe en s’efforçant d’édifier à l’encontre de son ennemi cairote « soviétique » un Etat tout autant musulman pur que moderniste dur.
Fils d’immigrants japonais, l’architecte avait déjà donné la mesure de son talent à New York, où il s’installa durant la Seconde guerre mondiale. Reçu à bras ouverts par le prince-héritier Fayçal Ben Abdelaziz (sur la photo avec Mohamed Ben Laden), l’architecte américain fut le premier étranger à qui le royaume confia un chantier aussi emblématique. Il s’attela aussitôt à édifier le terminal de l’aéroport Abdelaziz Ibn Saoud à Dhahran, sur le golfe Persique.

L’ouvrage une fois achevé et inauguré début 1961 dépassa les royales attentes. Léger, aérien, reposant sur une kyrielle d’arcs en tiers-point ou en lancette, éclairé à travers des galeries tout en croisées d’ogives et veillé par une tour de contrôle à l’aspect de minaret, le terminal était le fruit des noces saoudites entre le summum de l’art islamique et le « must » du high-tech américain. Plus qu’une vitrine, Riyad hissa le terminal au rang de symbole national, allant jusqu’à le faire figurer – à l’instar du Dôme du Rocher de Jérusalem, du mausolée du Prophète de Médine et de la Kaâba de La Mecque ! – sur le billet d’1 riyal. Ragaillardi par cet hommage inattendu, Minoru Yamasaki décida de concourir pour la création du World Trade Center, à New York. Et remporta le projet haut la main Sur ce tournant crucial de sa carrière, il ne s’ouvrira que dans son ouvrage Une vie dans l’architecture Il y révèle avoir conçu la Plaza, la promenade circulaire aménagée aux pieds des Twin Towers, en s’inspirant de l’esplanade de la Kaâba. Sur le modèle de « La Mecque, indique-t-il, avec une ample promenade, à l’écart des rues étroites et du vacarme de Wall Street ». Un lieu entre le profane et le sacré, « Une oasis, poursuit-il, un jardin pavé où chacun peut venir flâner, à tout moment, pour fuir le stress et la banalité du labeur quotidien » (triple photo ci-dessous, de gauche à droite : le complexe de la Kaâba de la Mecque, le complexe du WTC, la Plaza du WTC et les deux tours-minarets).

Inauguré le 4 avril 1973, soit huit ans après le début du chantier, le World Trade Center s’imposa aux yeux du monde comme l'icône de la puissance américaine et de New York, capitale du capitalisme triomphant. Une vision que Yamasaki s’efforça de corriger en n’y voyant, quant à lui, qu’un « symbole de l’espoir de l’homme en l’humanité, de la coopération internationale, de la paix mondiale ». Las. Un incendie a failli le ravager, le 13 février 1975. Puis, un attentat à la bombe, commis le 26 février 1993, a manqué l’ébranler… Jusqu’au 11 septembre 2001 où il ne tint pas le coup face à une attaque terroriste hors du commun, donnant lieu à un spectacle quasi apocalyptique.
Une fois l’effroi passé, une question vint à l’esprit de plus d’un familier du Moyen-Orient : Oussama Ben Laden aurait-il eu un motif familial, intime, pour vouloir rayer de la surface du sol le chef-d’oeuvre de l’architecte favori de son père, Mohamed Ben Laden ? L’architecte américain, Laurie Kerr, l’affirme noir sur blanc. Yamasaki, plaide-t-il, a voulu créer au coeur de Manhattan « une réplique de La Mecque », les Twin Towers faisant office de minarets et la Plaza, au sol, d’esplanade de la Kaâba. Le gourou d’Al-Qaida aurait alors vu dans cette « imitation » un arrogant et intolérable « sacrilège ».
Oleg Grabar, professeur à Princeton et éminent spécialiste mondial de l’art islamique se montre, lui, plus circonspect. Il n’en souligne pas moins le talent avec lequel Yamasaki a su « incorporer » des apports arabes dans le World Trade Center, au point de donner aux façades des Twin Towers l’aspect de moucharabiehs géants. Un autre universitaire, Nezzar Sayyed, de Berkeley, a pointé ce paradoxe cruel qui poussa les pirates de l’air à s’attaquer au plus « islamique » des monuments américains Et de rappeler que l’un des terroristes, l’Egyptien Mohamed Atta, consacra une thèse au « conflit entre modernité et islam » en l’étudiant « sur le terrain », à travers le chantier de la rénovation de la vieille ville d’Alep, en Syrie. Et Oussama Ben Laden qu’en dirait-il ? Interrogé par le quotidien pakistanais anglophone Dawn, le 9 novembre 2001, il répondit que l’attaque « ne visait pas plus les femmes que les enfants mais les icônes du pouvoir politique et militaire de l’Amérique ».
Il n’empêche, Minoru Yamasaki aura en tout cas esquissé un style d’architecture qu’on pourrait qualifier « d’islamico-futuriste», et qui a fait école depuis. À La Mecque, entres autres, où l’agrandissement des Lieux saints reste toujours l’apanage de la holding Bin Laden Saudi Group… Un géant du BTP a obtenu la mission de « moderniser » la ville natale de Mahomet. Depuis lors, le cœur de la cité, avec ses gratte-ciels de verre et de marbre, ses shopping centers et ses complexes hôteliers aux noms si évocateurs – « Abradj el-Beït », les « Tours du Temple » en arabe – rappelle à s’y méprendre le Lower Manhattan, le quartier de feu le World Trade Center, La Mecque de l’Amérique capitaliste.
11 Septembre, Manhattan Transfert
Par Slimane Zeghidour
Deux Ex Machina, 25 septembre 2008
Page originale : ICI.



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