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La Chine et la Russie face à la menace sociale

Publié le 04 février 2009 par Hmoreigne

 Conséquence de la crise économique et financière, les dirigeants russes et chinois redoutent la multiplication des troubles sociaux. Ces deux superpuissances se caractérisent par un régime autoritaire dont la stabilité politique est étroitement liée aux progrès économiques de ces dernières années. L’ampleur de la crise vient tout compromettre.

Dans cette crise, “je vois deux risques: les troubles sociaux et le protectionnisme”. Les propos tenus par Christine Lagarde, la ministre française de l’Economie, à Davos sont partagés par la plupart des dirigeants mondiaux.

En Chine, le ralentissement de la croissance, ramené aux alentours de + 8%, est porteur de lourdes conséquences. Sur 200 millions de «mingongs», on évalue à 26 millions le nombre d’ouvriers migrants qui ont perdu leur emploi dans le dernier trimestre. Pour la première fois depuis sept ans, les exportations sont en baisse et, dans le Sud du pays notamment, les demandes des usines en main d’oeuvre ont baissé de moitié par rapport à l’an dernier. Les entreprises tournées vers l’exportation ferment par milliers. Quand la crise touche la planète, l’atelier du monde est le premier concerné.

Les zones rurales, souvent pauvres, doivent accueillir des millions de migrants contraints à rentrer après avoir perdu leur travail. Or, dans les campagnes, le travail a toujours été rare et les travailleurs migrants apportent 65% des revenus d’une famille rurale moyenne. Une véritable bombe à retardement. La situation devrait empirer dans les semaines à venir quand les ouvriers après avoir passé les fêtes du nouvel an chinois avec leurs familles à la campagne reviendront, à la mi-février, chercher du travail en ville.

Les autorités chinoises ont prévenu. Ce sera probablement l’année la plus dure de la décennie. Préoccupées par une montée des troubles sociaux et par des menaces multiples contre la sécurité, elles ont appelé dimanche les forces armées à une “obéissance absolue”. Toutes les forces armées doivent garantir qu’elles “obéissent sans aucune concession au Parti et à la direction de la Commission militaire centrale, à tout moment et en toutes circonstances”.

L’appel intervient après la mise en garde des autorités contre le danger posé par les organisations séparatistes et les commémorations à venir en 2009 :20éme anniversaire de la répression sanglante du “printemps de Pékin”, 50éme anniversaire de la fuite du dalaï-lama.

Le ministre de la Sécurité publique, a reconnu une augmentation et un risque de multiplication des incidents de masse. Meng Jianzhu a invité ses troupes à tout faire pour apaiser ces conflits, à garder la situation sous contrôle en évitant notamment que ne soit versée la moindre goutte de sang.

En province, les autorités ont reçu une circulaire leur demandant, outre un renforcement des dispositifs de sécurité, de porter une attention particulière à la situation des travailleurs migrants privés d’emploi. Il leur est recommandé de veiller à ce que les salaires ou indemnités leur soient versés. Le seuil de pauvreté a également été relevé de 785 yuans (82 euros) à 1 100 yuans (115 euros) par an. Désormais, 43,2 millions de Chinois au lieu de 14,8 millions, devraient être concernés par le programme d’aide so­ciale de l’État.

Le gouvernement demande aussi aux banques de faciliter les crédits pour la création de petites entreprises et aux administrations de simplifier les procédures. Dans le même esprit, le gouvernement a donné pour instruction aux entreprises d’État de suspendre tout licenciement en 2009.

Le voisin russe connaît également des soubresauts. Samedi, des milliers de manifestants ont protesté dans plusieurs villes de Russie contre la politique du gouvernement. Plus que le nombre de manifestants, relativement restreint, les observateurs ont relevé la fébrilité des autorités russes qui n’avaient pas hésité à déployer 8 000 policiers anti-émeutes, donnant à la capitale l’aspect d’une ville en état de siège.

En seulement un mois, la production industrielle russe a chuté de 8% pour atteindre son plus bas niveau depuis dix ans. A l’image de Gazprom qui s’est contentée d’engranger les bénéfices sans réinvestir dans les infrastructures, l’industrie apparaît en situation délicate pour rebondir. La santé économique de la Russie, second pays exportateur de pétrole après l’Arabie saoudite, est étroitement liée au prix du baril, or celui-ci a perdu les trois quarts de sa valeur en huit mois.

Là encore, la situation est fort différente entre la capitale et le reste du pays. Le mécontentement est plus profond en province où les gros combinats métallurgiques, héritage de l’ère soviétique, tournent désormais au ralenti. La crise remet en cause le pacte implicite entre Poutine et son peuple : du pain en échange de moins de libertés. L’ex-Empire risque bien de rentrer dans une zone de fortes turbulences.


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