À vous de jauger

Publié le 04 février 2009 par Sylvainrakotoarison
Invitée principale de l’émission politique phare de la télévision publique, Martine Aubry a encore du travail à fournir avant de montrer que le parti qu’elle dirige est prêt à diriger sérieusement le pays.
Dans l’émission "À vous de juger" du 29 janvier 2009 (sur France 2) animée par Arlette Chabot, trois curiosités pour le prix d’une.
La première curiosité, anecdotique, a permis de montrer un Alain Duhamel en colère, ce qui est assez rare (en public en tout cas) : fâché tant par Arnaud Montebourg qui le traitait de représentant de l’UMP (alors qu’il a dû quitter le plateau de France 2 pendant la campagne de l’élection présidentielle pour avoir dit à ses élèves qu’il voterait François Bayrou), que par Laurent Joffrin, qui n’en revenait toujours pas d’avoir osé défier Nicolas Sarkozy aux vœux de 2008 sur la « dérive monarchique ».
Alain Duhamel, qui promouvait également son dernier livre "La Marche consulaire", essayait de faire une comparaison entre Nicolas Sarkozy et Napoléon Ier, comparaison dont il conclut à la non-pertinence même si quelques aspects sont analogues, comme ce savoir-faire en communication politique dans lequel les deux personnages excellent. D’autres penseraient plutôt à Napoléon III.
La deuxième curiosité, classique et sans surprise dans le jeu de rôles, montrait en seconde partie d’émission les aboiements de l’opposant Arnaud Montebourg dont les vociférations excessives détruisent au fil des jours un potentiel pourtant fort élevé et une Nadine Morano, représentante zélée du gouvernement, dont la fidélité et la loyauté à Nicolas Sarkozy étaient du ressort de l’enthousiasme.
La troisième curiosité, plus politique, c’était de voir s’affronter Martine Aubry et Xavier Bertrand. Certes, Xavier Bertrand était en duplex à Bruxelles, mais le débat était étrangement parallèle : voici face-à-face les chefs des deux grands partis de gouvernement, l’un de la majorité et l’autre de l’opposition, qui ont pour points communs une forte ambition personnelle (mais qui n’en a pas à ce niveau-là ?) et une expérience remarquable de Ministre du Travail. Peut-être même (pourquoi pas ?) deux futurs candidats à l’élection présidentielle ?
Xavier Bertrand, qu’il aurait été intéressant de comparer à Robert Boulin avec une trentaine d’années d’écart si ce dernier n’avait pas connu le destin tragique que l’on connaît (similaire à celui de Pierre Bérégovoy). Robert Boulin, secrétaire général du RPR naissant, lui aussi Ministre du Travail apprécié des syndicats, avait tout pour devenir un futur Premier Ministre de Valéry Giscard d’Estaing, celui qui aurait dû succéder à Raymond Barre pour faire barrage aux prétentions de Jacques Chirac.
Martine Aubry, la femme des 35 heures, a eu le triomphe modeste à Reims (et pour cause !) et s’était entourée de ses (nouveaux) amis, notamment Benoît Hamon. Elle aura sans doute du mal à prendre le pas sur la frétillante Ségolène Royal qui, malgré son échec rémois, poursuit sa route vers une seconde candidature.
En tant que chef de l’opposition, elle avait le beau rôle au soir des manifestations de cette journée du 29 janvier 2009, dont l'évaluation de la participation (entre 1 et 2,5 millions de personnes, sans doute plus proche du dernier nombre) donnait une idée de l’approximation du nombre de présents (dont Ségolène Royal) à l’investiture de Barack Obama (entre 2 et 4 millions, plus proche du premier nombre).
Du bon et… du moins bon
Parmi les propositions qu’elle présentait à propos du plan de relance, il y avait deux mesures assez contrastées en pertinence.
La première proposition consiste à ce que le gouvernement n’aide pas les entreprises qui donnent des dividendes à leurs actionnaires.
Cela me paraît une mesure de bon sens : en cas de bénéfices, après environ un tiers d’impôts sur les sociétés, le reste est soit distribué aux actionnaires (dividendes), soit mis en réserve notamment pour des investissements ou (le cas échéant) en prévision d’un déficit l’année suivante. Les actionnaires (les propriétaires) de l’entreprises sont (il faut le rappeler) ceux qui prennent le plus de risque (en principe), ce qui, d’ailleurs, explique pourquoi ils souhaitent une rentabilité élevée.
Mais une entreprise qui distribue des dividendes, c’est donc une entreprise qui est en excellente santé financière et qui ne craint tellement pas l’avenir qu’elle ne "maximise" pas ses réserves pour les années qui suivent.
Par conséquent, si l’État "donnait" (d’une manière ou d’une autre) à une telle entreprise de l’argent des contribuables, ce ne serait pas pour sauver des emplois ou des activités de l’entreprise, mais ce serait comme si les impôts servaient à payer les dividendes, en quelques sortes, une nationalisation des dividendes, ce qui serait, d’un point de vue moral et économique, complètement aberrant.
Malheureusement, Martine Aubry (ou son staff) a aussi des idées farfelues.

La seconde proposition, effectivement, fait le constat qu’il ne faut pas que l’argent prêté par l’État aux entreprises soit dépensé n’importe comment (ce qui, sur l’intention, est louable) et par conséquent, pour avoir son mot à dire, Martine Aubry réclame que l’État soit présent au conseil d’administration des entreprises soutenues par l’État.
Et là, quand on entend cela, on s’interroge sur les compétences économiques de la première secrétaire du PS. Car enfin, dans cette proposition, il y a plusieurs éléments incongrus :
1. Ce n’est pas au conseil d’administration que sont prises les mesures de gestion courante des entreprises même s’il est impliqué de près par les mandataires sociaux.
2. L’État membre de conseils d’administrations d’entreprises dont il est actionnaire, ce n’est pas nouveau et sa présence n’est pas un gage que l’entreprise serait bien inspirée (faut-il rappeler le scandale du Crédit Lyonnais par exemple ?).
3. On a l’impression que si la proposition était mise en œuvre, il y aurait en quelques sortes une étatisation étendue de toute l’économie nationale dans un contexte au contraire de libre échangisme.
4. Idée farfelue, car selon ce principe, chaque banque débitrice devrait être également présente au conseil d’administration de l’entreprise à laquelle elle prête.
Cure d’opposition à prescrire encore
Heureusement, Martine Aubry a encore trois ans au moins pour rendre cohérente l’opposition.
Après ses fameuses 35 heures qui ont été un dopant de plomb dans la croissance de la fin des années 1990 (pour laquelle le gouvernement Jospin n’était pour rien), Martin Aubry semble reprendre des idées poussiéreuses de ses prédécesseurs à la tête de l’Internationale Ouvrière…
Nicolas Sarkozy jouit incontestablement de la médiocrité de la classe politique en général, et de celle du parti socialiste en particulier.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (4 février 2009)
Pour aller plus loin :
"À vous de juger" sur France 2 le 29 janvier 2009.
http://www.agoravox.fr/article.php3?id_article=51099