L’œil
enserré dans les tranches de ses mains collées de chaque côté
d’un interstice dans le plancher, Simon ne pouvait voir qu’un
ballet de couleurs, et seulement par touches. Mais il entendait très
bien les voix. Il avait besoin de s’appuyer sur un visuel pour
comprendre de quoi il était question, pour illustrer la violence des
propos et le bruit de la gifle ou du polystyrène d’un emballage que l’on casse pour le jeter à la poubelle. Jérôme disait
qu’elle portait un chandail rouge ce jour-là mais il était au
pensionnat depuis l’été précédent. Pourquoi mentait-il toujours
devant des témoins qui pouvaient le contredire ? C’était très
embarrassant d’être obligé de lui dire que non, ça ne risquait
pas d’avoir eu lieu, ou pas comme ça, ni avec telle personne et
pour cause. Il jugeait cette histoire, prenait parti avec des propos
très durs quand Simon lui-même ne savait pas ce qui était
réellement arrivé. Et le chandail était bleu. L’une des tâches
mouvantes sous le plancher était bleue car elle était sortie de sa
période mystique avec le petit médium hollandais. Elle aurait porté
du rouge certainement l’année d’avant, et cela lui aurait
peut-être sauvé la vie, car cette couleur était sensée la
protéger, ainsi que la tresse d’aulx pendue au clou près de
l’entrée.